
Vol 1515 pour Marignane Part -15- 3
DZIMMM BOUM POUET POUET TAGADA (générique)
Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais les parties de cet épisode commencent le matin. Bon, en même temps, les journées aussi, et d’autre part, comme la nuit on dort (hein ? Oui, aussi, mais pas toute la nuit) c’est plus pratique de commencer les épisodes le matin. Bref, voilà !
Donc, après cette discussion pleine d’enseignements pour ma copine, et pleine de souvenirs pour moi, le soir étant arrivé, nous sommes rentrées tranquillement, suivies comme notre ombre par les deux loustics. (oui, j’ai dit que les épisodes commençaient le matin, ça ne veut pas dire que CET épisode commence le matin, déjà, d’une, et en plus je fais ça kajveux, et de deux, na!)Bon, je reprends : on rentre, on se retrouve chez Dmitri, Olga prend la voiture et nous conduit à l’aéroport. Oui, au fait c’est un détail, mais Olga maîtrise parfaitement les voiture, et moi c’est plutôt les avions, comme qui dirait on partage.
Bref, peu après (j’ai dit qu’elle maîtrise, pas qu’elle est prudente) on arrivait à l’aéroport, dans le hangar pour y passer la nuit. Les filles ayant passé toute la route à nous raconter leur visite mais à la vitesse d’un 78 tours sur un pickup au volume bloqué a fond, tout le monde avait les oreilles pleines de sifflements et de bruits divers, et un solide mal de crâne, donc, direction dodo.
Le lendemain (nous y voilà) c’est le BOUM qui nous a réveillées. Aussitot on a pensé la même chose : l’Intrépide !!! et on s’est ruées dehors pour voir au dessus du hangar où notre cher avion est en maintenance un énorme champignon de fumée…. fuchsia !
Le temps de courir, puis de s’apercevoir qu’on est en petite culotte, de faire demi tour, et de ressortir, le nuage s’était dissipé. A la porte du hangar, deux individus de la même couleur que le nuage, l’air pas content du tout, et un peu plus loin, nos deux suiveurs de la veille, colorés juste sur le devant, mais bien colorés quand même.S’en suit un dialogue dont je vous livre ici la version traduite et modérée :
« C’est vous les protégées de Albert ? Et ben je vous félicite pas, on a failli se faire coller contre le mur du hangar avec vos c**nneries ! Et les deux gars chargés de vous protéger s’en sont pris plein la poire aussi »
(Nous protéger ? C’est nouveau ça !)
On fait le tour du hangar pour voir l’Intrépide que les mécanos ont sorti par prudence, et le gazier qui avait commencé à nous engueuler continue : « Vous êtes complètement dingues de stocker les fraises Tagada dans le conduit d’aération de la turbine, ça aurait pu péter en vol !! »

Là il se passe plusieurs choses. Dans l’ordre :
Juju et moi avons le clapet grand ouvert en voyant notre pauvre Intrépide

Olga fait un drôle de bruit avec sa bouche et commence à rigoler et à se rouler par terre
Viktor fait Oh lalalalalalalalalalalala mais on sent bien qu’il se retient
Et, fait extrêmement rare et suspect, les deux pipelettes juste derrière nous, Karine et Paulette, observent un silence quasi religieux. Un coup d’œil suffit pour juger la situation, les deux péronnelles sont de la même couleur que l’Intrépide, sans effet fraise tagada, et elle ne rigolent pas, mais alors là pas du tout.
« Bon, vous allez laver l’Intrépide, et très vite » je leur fais. Et elles ne protestent même pas.. Les mécanos sont déjà en train de brancher deux nettoyeurs a haute pression (je cite pas la marque ils ont pas voulu sponsoriser), leur donnent les lances, et filent sous la douche, suivis par les « protecteurs ».
Du coup, on va être tranquilles pour préparer le vol, c’est une compensation.
Après coup, les incohérences du moment commencent à se percuter dans ma tête : Les mécanos qui ne sont pas étonnés par les équipements de l’Intrépide ni par les fraises Tagada, les deux mecs qui nous protègent, et par dessus tout ça, mon Viktor qui ne lève même pas un sourcil devant les événements… J’accélère pour me mettre à sa hauteur, et le regarde en biais, et lui, un petit sourire au coin des lèvres me souffle «Tu pensais qu’on était allés dans la Toungouska juste pour se balader ? Il y a un moment que je les connais ces gars là…. » Il n’en dira pas plus, mais bon, ok, le reste se devine tout seul. Ou pas.
Bon, avec tout ça, on arrive à l’avion.
L’Avion…
Il me fait toujours le même effet, l’Avion. Je le connais depuis longtemps, je l’ai piloté, mais il m’émerveille toujours autant.
Une qui semble légèrement moins amoureuse, c’est Juju : « Oh c’est aussi un musée ici ?» elle demande, mais en croisant le regard de Viktor, elle me souffle « J’ai dit une connerie ? »

C’est un Antonof 2, le plus gros biplan monomoteur du monde, une engin créé en 1948, et toujours en service, capable de se poser et décoller d’à peu prés n’importe où.
Celui de Viktor arbore plus ou moins fièrement la livrée de l’Aeroflot, parce que ça transportait des gens ça madame ! Bien sur, le film, le café et l’hôtesse de l’air sont en option, mais ça vole.
Derrière moi,Viktor rigole, et gronde « Je suppose que tu pilotes »
J’ouvre la porte, accroche le marche pied, et tout de suite, l’odeur de métal, d’huile, de cuir, me propulse quelques années en arrière. Je gagne le poste de pilotage, et me pose dans le siège du pilote.
Pas de haute technologie, pas de GPS, des gros interrupteurs en métal, qui claquent quand on les bascule, et de gros cadrans, de gros leviers, tout est gros, robuste, construit a la russe, mais qui ne tombe jamais en panne. Une légende dit que les américains ont dépensé des millions de dollars pour créer un stylo capable d’écrire en apesanteur, mais que les russes ont pris un crayon. L’Antonov 2, c’est le crayon des avions.

« Faudrait voir où en sont les gaffeuses, avant de bouffer trop de carburant, on va pas le laisser tourner trop longtemps, 1000 chevaux, ça consomme quand même un peu.. »
« J’y vais et je vais les accélérer un peu » fait Juju derrière nous.
Quand elle est revenue, à la tête qu’elle a fait on a bien compris qu’il allait falloir une peinture a l’Intrépide. Cette fois-ci, Viktor n’a pas pu se retenir et a explosé de rire. Ça fait vibrer toute la structure de l’avion.

Les reines de la fraise tagada sont montées à bord, muettes comme des carpes, l’air franchement honteux, et trempées comme des soupes, suivies de près par le mécano, et lui il avait plutôt des bonnes nouvelles : l’Intrépide serait prêt dans trois jours, le temps de tout nettoyer et revisser deux ou trois trucs. En sortant, il a quand même lancé un truc genre « vous deux vous arrêtez vos conneries hein » et on a entendu les deux nénettes murmurer « oui m’sieur » et ça a été notre tour de rigoler, tellement que les honteuses ont fini par rire aussi.
Il était temps de partir, et surtout, pour moi, temps de se faire plaisir.
Sélection du réservoir d’essence, l’interrupteur général, et je lance le démarreur. Le volant d’inertie commence à siffler et monte dans les aigus, quand il est à son maximum, je l’embraye sur le moteur en mettant le contact. L’hélice tressaute, et d’un coup, après un bruit de 2CV en plus fort, les 9 cylindres du moteur se mettent à cracher une fumée noire et épaisse en démarrant dans un bruit d’enfer. Les cahots et pétarades s’estompent au fur et à mesure que le moteur chauffe, la fumée se calme, et les vibrations de la carlingue se calment, au grand soulagement des passagères.
Viktor est assis à côté de moi, Juju appuyée sur le dossier de nos sièges, qui fait « On va pas voler là dedans, dites »
Pince sans rire, et tout en balayant une toile d’araignée tendue sur les instruments, Viktor répond : « On a pas le choix, et c’est Lemon qui pilote, on m’a enlevé ma licence »
Pendant ce temps la, je continue ma procédure de démarrage : fermeture des évents, allumage des feux de position, réglage de l’altitude d’alerte, mise en marche du compas, de la radio, déblocage de l’horizon artificiel, le moteur est chaud, la tour de contrôle me donne le « clearance » pour le taxi jusqu’à ma piste, je desserre les freins, et commence a cahoter en accélérant doucement.

Derrière ça moufte pas, faut dire que assise sur un banc en bois, dos aux hublots, le long de la carlingue, on les sent bien les cahots de la piste, et à part Olga qui rigole, les filles sont « un peu » inquiètes pour le voyage.
Une fois en place, et le feu vert donné par la tour, je pousse les gaz, le pas de l’hélice, desserre les freins, et on roule de plus en plus vite, en même temps que la structure proteste de plus en plus bruyamment. Sur le banc, Paulette laisse échapper un « maman » et soudain tout se calme, les roues ont quitté le sol, et le mastodonte de 3 tonnes monte gentiment vers les nuages.


A notre vitesse de croisière qui dépasse quand même un peu les 200 Km heure, nous sommes en route pour la datcha de Viktor, avec juste un peu de brume pour faire joli, et mon vieux copain Antonof… Ça doit être ça le bonheur

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sledovat’ (à suivre)