Vol 1515 pour Marignane Part -15- 1


Saint Pete… j’ai quand même un coup de mou en voyant les pistes, il y a un sacre moment que je ne suis pas venue.
C’est là que j’ai grandi, c’est là que j’ai fait les pires conneries, et aussi que j’ai rigolé.
Bon, ça ne sert à rien de ressasser, de toute façon, la douce voix dans le casque commence à rouler les R pour que je pose l’Intrépide, et comme c’est un tantinet un aéroport international, d’une part, et que je suis pas toute seule avec mon zinc d’autre part, autant se magner de se rapprocher des pâquerettes, avant que la rouleuse de R ne se fâche.
Je roule doucement jusqu’aux hangars, parce que j’aimerais bien jeter un coup d’œil un peu poussé à notre avion : depuis un moment, je sens une vibration et j’aime pas ça. La structure a peut être mal supporté les « aides » de nos amis

On roule peinardes

Hangar 18. Il n’y a personne, bien sur, et machinalement, je fouille derrière le tuyau de la gouttière et récupère la clef du cadenas. Elle n’est pas rouillée, le hangar sert toujours, on dirait, et ça fait grossir un peu la boule que j’ai là.
Derrière moi, Juju marmonne « va vraiment falloir qu’on cause », Paulette et Karine se taisent, ça doit être la première fois depuis qu’elles sont ensemble. Du coup, je me dis que ça se voit qu’il se passe des choses dans ma tête
A défaut de causer, il va falloir trouver un moyen de faire rentrer l’Intrépide dans le hangar, mais et le vieux tracteur garé là va nous y aider. Il démarre toujours aussi bien.

Et ça roule ça madame !!

Une fois la manœuvre terminée, le zinc bien rangé, je décide de mettre les filles un peu au parfum :
« Alors voilà, à New York, j’ai découvert une Juju que je connaissais pas, bon, ça m’a pas surpris hein, on a toutes notre côté à nous. Et bien ici vous allez découvrir une autre Lemon, parce que ici on est chez moi, enfin, c’était chez moi. Alors maintenant va falloir me faire confiance, et tout va bien se passer.
Déjà on va commencer par LE sujet qui fâche ; tu vas planquer tes flingues et tes papiers dans le zinc, avec les miens, et on ne garde que notre passeport. »
Bien sur Juju grommelle, comme le maréchal, mais OK, elle me connaît assez pour savoir que je ne fais pas ça par hasard, et nous voilà en train de marcher en direction de la sortie de l’aéroport.

C’est calme hein ? trop calme a mon avis

Les filles sont avec nous, bien sur, et on babille gentiment, toutes les quatre, et comme toujours, ça commence a se bousculer au moment ou on s’y attend le moins.
Une nénette devant nous, fait« salut les filles » Juju et moi on s’arrête net. C’est pas possible, dis ! On se regarde, et dans le même mouvement on se jette sur… Olga, avec la très ferme intention de l’étrangler ! Seulement voilà, on se retrouve toutes les deux en l’air, stoppées en plein vol, les bras tendus, la position idéale pour attaquer une brasse, le blouson fermement bloqué, solidement tenues par la peau du dos, et une voix qui ressemble à une chute de cailloux dans une contrebasse qui fait :
« Petites sœurs arrrrrêter essayer casser gueule a petite sœur sinon je fâcher tout rrrrrouge ! Comprrris ? »
Et Olga en face de nous, hors de portée, qui rigole !!
Je fais signe à Juju de calmer le jeu, heureusement qu’elle m’a écoutée et qu’elle est sortie sans ses outils, et du pouce je lui fais voir le colosse qui nous a attrapées.
« Je te présente Viktor, notre pote à Olga et moi. Viktor je te présente Juju une excellente amie »
la réponse est prudente : « Viktorrr peut lâcher ? Vous arrrrrêter connerrries ? » et sans effort, la montagne nous fait basculer et nous pose sur nos pieds.
C’est la qu’on voit Paulette d’un côté et Karine de l’autre en train de larder les jambes de Viktor de coups de pied, lequel Viktor ne s’en aperçoit même pas.
Prudente, je leur fais signe d’arrêter, et je les présente aussi.
Puis c’est Viktor qui cause :  « Je connaitrrre vous, Olga tout rrraconter, tout, même connerrrries Olga fait, alors ici terrrritoirrre Viktorrr, et filles fairrreeee quoi Viktorrrr dirrre sinon Viktorrr casser gueule, comprrris ? »
« Il est sérieux là ? » demande Juju
« Devine » je lui répond, « et en plus sois certaine qu’il n’aura aucun scrupule, mate un peu la frimousse à Olga » Et la dite Olga fait la même tête que tout le monde, une tête qui dit : on va toutes se calmer, tres vite, et passer en mode « non agression »
Olga s’avance, elle fait le premier pas, c’est déjà un signe, et Juju ne s’y trompe pas qui prend la main tendue.
A mon tour, je baisse symboliquement les armes en prend Olga dans mes bras, puis, pendant que les filles suivent l’exemple, je fais ce dont j’ai envie depuis le début de ce petit événement, je prend mon élan, et escalade la montagne Viktor pour lui claquer deux bises sur les joues plus une énorme sur le front, et il rigole « Arrreeete arrrrrête petite sœur fairrreeee tomber Viktorrrrrr »
Puis il attrape Juju, Paulette et Karine, et les serre toutes les trois dans ses bras en beuglant « Copine Lemon est copine Viktor, et copine Olga, ça etrrrre obligatoirrrre » Et là c’est moi qui me bidonne en voyant les trois guerrières cracher tout l’air qu’elles avaient dans les poumons.
Mais je m’aperçois que je ne vous ai pas « décrit » Viktor : deux chiffres suffiront : 2m15, 148 Kg que du muscle, haltérophile, pilote émérite, ancien Spetsnaz (troupes d’élite et d’intervention) et surtout surtout, un cœur gros comme ça, et notre grand frère à Olga et moi, pendant toute notre enfance adolescence . C’est lui qui nous a « entraînées », c’est lui qui m’a appris a piloter. C’est lui aussi qui nous a inculqué quelques valeurs morales, parfois de manière un tantinet « persuasive ».

Viktor dans un défilé: Si toi casser pieds je casse gueule à toi !
L’autre a pas bronché, étonnant, non ?

C’est Olga qui reprend la parole, et qui nous propose d’aller boire un coup chez Dmitri.
Ah Dmitri ! C’est un petit rade dans une petite ruelle, tenu par un petit bonhomme. La seule chose vraiment grande chez Dmitri, c’est l’amour qu’il porte à ses amis, et ça a été pendant des années notre repère.
A peine assis tout le monde a une vodka devant le nez, et les filles suivent notre exemple, cul sec !
Karine pleure, Paulette tousse, et tout le monde rigole, y compris Dmitri.
Puis on commence à causer, à se raconter un peu, pour les filles. Mais il semblerait que Olga ait déjà brossé un portrait assez fidèle de notre petit groupe, et Viktor sait déjà qui est qui.
Tout de même il regarde Juju dans les yeux et lui fait : « Toi, j’avais pas besoin qu’on te présente, ta réputation suffit, et puis j’ai de très bons amis dans la grosse pomme. »
(Pour une plus grande facilité de lecture, et aussi pour éviter de bousiller la lettre R de mon clavier, la traduction simultanée est désormais activée)
On est parti pour passer la nuit ici, je le sens bien, et on causera sérieusement plus tard, il faudra bien…
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sledovat’ (à suivre)