
Bizounours VS Pécore
Pendant ce temps là, à quelques centaines de mètres, notre ami Bizounours savourait la quiétude de son abris temporaire. Un magnifique Dolmen Breton, sous lequel il était non seulement à l’abri des intempéries (Nan : y pleut PAS en Bretagne !!! Dans le reste du pays, oui !!! Mais pas en Bretagne ! En Bretagne, c’est juste vivifiant…)*, mais qui lui permettait -ayant choisi cet endroit stratégiquement- d’avoir une belle vue d’ensemble sur le campement des Tichats sans pour autant, lui, être vu…
Il fouilla son sac à dos -cadeau de Lem et de sa grande- et constata qu’il lui faudrait, dès demain, faire quelques commissions car, en dehors du bocal de cassoulet au confit de canard qu’il venait d’ouvrir, il ne lui restait qu’une boîte de raviolis dont il n’était pas trop friand, deux Havanes, une demi-baguette moulée et une part de tarte au pommes… Ha : et aussi une boîte de foie gras qu’il se réservait pour une bonne occasion…
Jusque là, force lui était de constater que les Tichats s’en sortaient beaucoup mieux que prévu. Mis à part bien sûr, les bagarres et engueulades inhérentes à la bande de fripouilles qu’il avait mission de surveiller… Mais bon, en gros : ça se passait plutôt bien, voire même très bien…
Bien sûr, l’épisode du saccage de la remorque par les mouettes était largement prévisible mais ne méritait pas d’intervention, le danger étant tout relatif, et puis, que diantre, il fallait bien laisser un peu de piment a cette expédition…
De temps en temps, tout en surveillant la cuisson de son frichti sur le feu qu’il avait allumé en prenant soin que ce dernier ne puisse être vu du campement des Tichats, il jetait un coup d’œil dans ses jumelles 12×50 pour s’assurer que tout allait bien.
Le « tout allait bien » étant un relatif euphémisme quand on connait les Tichats…
Après l’épisode un peu plus critique pendant lequel ces fichus « génies » avaient tenté de capter un éclair avec un cerf volant, il paraissait néanmoins évident qu’une surveillance un peu plus active s’avérât nécessaire…
Pour le moment, tout était calme et chacun, que ce soit les Tichats ou le « surveillant », cassait la croûte tranquillement.
Le cassoulet de sa grande était une véritable merveille, et il n’en laissa rien du bocal de 1kg, ni de la bouteille de Pomerol qui l’accompagnait… Il se servit alors la dernière part du camembert de Lem et fini la bouteille de cidre fermier qu’elle lui avait donnée aussi, avant de s’adosser au solide bloc de granit et d’allumer son avant dernier havane…
Les étoiles scintillaient, les grillons chantaient, la nuit allait être douce…
Un petit Marc de Bourgogne tout a fait correct accompagnait à ravir le Partagas Lusitania** dont les volutes montaient paresseusement entre les branches des chênes couvrant son abris.
Bref, en un mot comme en cent : c’était la belle vie, et la dernière bouffée de cigare savourée, il était temps de dormir…
Satisfait, Bizounours contempla le ciel, les étoiles, la forêt, le campement… Et lâcha un pet d’anthologie qui lui dessina un sourire béat et comblé…
Alors qu’il commençait à dormir du sommeil du juste et à s’enfoncer dans un joyeux rêve où tournoyaient une multitude d’os à moelle, des bruits étranges se firent entendre et l’arrachèrent aux bras de Morphée.
Il ne lui fallut pas bien longtemps pour être en pleine possession de ses moyens et reconnaître le fameux Turlusiphon d’une part, et le branle-bas de combat de l’ensemble des Tichats d’autre part…
»Merde ! » Se dit-il en Alsacien et en lui-même car il connaissait les deux langues.
C’était au-delà de « assourdissant » : c’était carrément infernal !!!
Il entendit alors la sirène d’alarme des Pompiers du village ; il vit les lampadaires publics et tout autre forme de lumière à la ronde, éclater comme du verre tandis que la terre se mettait à trembler !
Jusque là, rien que de très normal, se dit il, après tout, ce sont les effets de base du Turlusiphon… Mais l’apparition du fermier, porteur d’un fusil de chasse à la porte de la maison, lui fit ressentir l’urgence de l’action !
Il lui fallait donc plonger dans la bataille !
D’autant plus qu’il avait pas l’air fin, le con… ET (Les auteurs*** rappellent ici, à titre purement éducatif mais informel, que l’odorat du chien est 1.000.000 de fois supérieur à celui de l’homme) qu’il puait la vinasse comme s’il avait baigné dans une cuve de Citadine…
Surveillant du coin de l’œil l’exfiltration du Tichat fauteur de trouble par ses collègues, ainsi que le traitement calmant administré audit fauteur de trouble, Bizounours se mit alors en position d’intercepter le paysan aviné muni de sa pétoire.
Seulement, attaquer de front un fusil de chasse, surtout tenu par un individu en état d’ébriété, c’est beaucoup ; et même pour Bizounours, le risque est grand. Il décida donc, sur un coup de génie, de jouer sur la superstition naturelle de l’individu : avisant un sachet de paillettes emporté après le pot de départ à Concarneau, il s’en aspergea, devenant ainsi une espèce d’ectoplasme de Noël…
Fonçant face au paysan, il pris sa voix la plus grave pour aboyer une bordée d’insultes en langage canin que nous ne pouvons, bien évidemment, reproduire et traduire ici…
L’effet fut immédiat : l’ivrogne sûrement traumatisé par ses lectures d’enfance, se mit a hurler : « Baskerville !!! Le chien des Baskerville !!! » en courant dans tous les sens et en balançant des coups de pétoire à l’aveuglette…
Notre vaillant Bizounours avait misé juste : le crétinisme naturel de la brute avinée ne pouvait que se laisser emporter par la peur du Loup-Garou et autre Cerbère…
Tout en gardant l’air le plus féroce qu’il soit, Bizounours était intérieurement mort de rire, ne cessant de se répéter « Qu’il est con !!! Seigneur mais qu’il est con, ce con !!! J’ai jamais vu un con aussi con qu’ce con !!! ». Ce qui, il est utile de le préciser, dans le cas du pécore en question, était loin d’être un pléonasme et encore moins un euphémisme…
Bizounours n’était cependant pas au bout de ses émotions, en effet le dit pécore, toujours en possession, de son arquebuse, avait trouvé le camp des Tichats, et une discussion semblait s’amorcer. Bizounours reconnut le célébrissime « C’est pô nous on dormait ! » tant de fois utilisé lors des bêtises félines quotidiennes.
Il s’apprêtait à intervenir, sacrifiant ainsi son anonymat, lorsque les Gendarmes firent irruption dans la scène… Gendarmes qu’accompagnaient une escouade de Soldats du Feu fort mécontents et qui, visiblement, désignaient le pécore comme responsables des fléaux qui venaient de s’abattre sur leur chère commune !
Ledit péquenot, dûment menottés fut rapidement traîné vers l’Estafette des Gendarmes et embarqué manu militari à la Maréchaussée pour y répondre à de nombreuses question ! Les prochaines 48 heures allaient être trèèèèèèèès longues…
Dès lors tranquillisé, Bizounours décida qu’il était plus que temps de dormir, nom d’un homme !
Et c’est alors qu’il se glissait de buisson en buisson, le plus discrètement possible pour retourner au Dolmen, qu’il fut percuté par une espèce de boule de poils parfumée et qui immédiatement se mit a cracher, souffler, et jurer autant qu’une complète bande de chats de gouttière en pleine bagarre…
Se redressant sur ses 4 solides papattes, ils contempla alors le petit machin tout blanc qui lui faisait face, poil hérissé et toutes griffes dehors !
Ce fut plus fort que lui, il tenta bien de réprimer ses contractions mais… Il éclata de rire en se roulant par terre !
Il en hoquetait et il en pleurait, tapant des patounes sur le sol…
Déconcertée, la boule de poils arrêta net sa tentative d’intimidation, et la colère prenant le dessus, se mit à invectiver Bizounours: « Y s’fout de moi le Travolta à paillettes là ? T’as choppé la fièvre du samedi soir ? »
Bizounours, qui avait oublié l’artifice des paillettes, s’arrêta de rire un instant, puis repris de plus belle, cette fois imité par la boule de poils qui, saisissant le ridicule de la situation, laissa l’humour l’emporter !
Ayant ri tout leur saoul, les deux personnages se firent alors face. Bizounours, galant, se coucha pour être la hauteur de son interlocutrice. Il fixa les grands yeux verts expressifs de la jolie minette et attaqua :
« Bon, sérieux : kestufous là toi ? S’pas bien pour une jeune demoiselle de s’balader toute seule au milieu de la nuit… »
Roxanne : Bah quoi ? Tu vas l’dire à ma mère ?
– Ça s’pourrait…
– Rigolo, va ! Nan, mais en bas là-bas y a des Tichats, et dans la bande y a « mon » Adrien, et je vais le rejoindre paskeu j’l’aime ! C’est comme ça, na !
Bizounours mis alors la patte dans poche (Ben quoi, vous avez pas de poches vous, peut-être ? Ben lui c’est pareil : il en a !) et en sorti sa belle étoile dorée à 7 branches agrafée à son étui de cuir brun. Roxanne lut alors : « Police Officer – K9 – LF Police ».
Bizounours la fixa ironique :
– Alors : j’appelle ta mère ou pas ?
Mais la jolie Persane ne se laissa pas démonter :
– Habah, elle est jolie ta breloque… Mais tu m’expliques s’que ça a à voir avec moi ?
– J’suis ici en mission « incognito », pour surveiller ton Adrien et ses potes justement… Pour éviter, ou du moins limiter les conn… les incidents comme celui de tout à l’heure…
– Bah, je suis pas un incident ! Donc je peux le rejoindre, non ?
– Nanananananan : SURTOUT PÔ !!! Heuuu, du moins pas de suite, hein… Mais.. Mais, dis donc : j’te connais toi…
– Bah ,moi j’te connais pô !
– J’t’ai vu à la téloche chez ma grande… T’es la Tichate de l’actrice, là… Mais kestufous dans s’trou paumé ?
– Ouais, bah justement : ma grande elle commence très sérieusement à me clapoter les urines avec sa cambrousse, du coup c’est aussi pour ca que je veux partir avec mon Adrien ! Et rena !
– Ton Adrien, ton Adrien, ton Adrien… Dis, tu crois pas que mets un peu la charrue avant les bœufs, là ?
– Ce trou paumé, c’est elle qui l’a choisi pour « se rapprocher de la natuuure » qu’elle dit, et aussi pour se »ressourcer », qu’elle dit aussi…
– Habah, si c’est pour s’ressourcer à La Citadine, jure qu’elle a fait l’bon choix !
– Bah, même pô ! Au moins, ça bougerait un peu… Mais nan, là elle passe son temps à regarder le ciel en parlant d’anciennes entrecôtes**** ou je sais pas trop quoi…
– Tss tss tss, ben ma pove poulette… Bon allez : grimpe sur mon dos, on va voir s’qu’on peut faire… Pis j’suis sur qu’t’as pas becté en plus !
– Bah que dalle ! Y a rien à claper à la maison ! A part des graines que les piafs voudraient même pô ! Avant sa »crise », elle était avec Bernard Henry, mon grand, mais d’puis qu’elle a viré bredine, même Bernard Henry l’évite !
Ils arrivèrent au Dolmen, et Bizounours souffla sur les braises pour les ranimer…
– Bon, tu proposes quoi avec tout ça ? Passkeu moi, je veux aller avec mon Adrien !
– Ata ata ata, ma belle… De 1) tu vas miamer, déjà. (Sors la boite de raviolis et le grugru de son sac à dos). De 2) je vais te faire un topo…
Bizounours sert alors une belle plâtrée de raviolis au grugru à Roxanne puis se roule une cigarette… (ben oui hein, les cigares c’est pour le must, la roulée c’est pour réflékir)
– Tiens, ma belle c’est chaud : régale toi ! Demain, on ira faire des commissions…
Notre ami expliqua alors TOUTE l’expédition, depuis l’idée de départ jusqu’à la concrétisation et donc, TOUTES les conneries s’y attachant !
La Persane était éberluée :
– Oh, putain ! C’est des solides les Tichats ! Mais continue, je t’en prie…
– Donc tu vois, moi j’veux bien que tu rejoignes »ton » Adrien maint’nant mais, vu s’que j’viens d’ t’expliquer, c’est générer pas mal de catas supplémentaires, à mon humble avis… Et quand je dis catas, c’est core faible comme mot…
– Mouais, t’as pas forcément tort… Du coup, j’ai une autre idée : on »s’associe », on les suit et on les protège ensemble. Et vas pas t’imaginer des trucs, hein… C’est pas pask j’suis une minette d’artiste que j’sais pas me débrouiller !
– Ah mais, j’ai rien dit moi ma belle, t’inquéte pas !
-Alors : ça te va ?
– Ça m’va ! Par contre, ça serait kaméme mieux si tu t’installes dans l’sac à dos pour faire la route passkeu, sans t’vexer, vu tes papattes et les miennes, hein…
– Pas d’soucis mon grand, je vais pas chouiner pour marcher si tu peux le faire pour deux ! Et en échange je fais la bouffe, passkeu tes raviolis…. Bref…
– Holalala, t’inquéte pas pour ça ! Tiens, si mon copain Quenottes était là… (Fronce les sourcils) Ah mais oui mais nan : y peupô, c’est vrai… Bon bah, si tu viens à Lingua, tu l’connaitras Quenottes, c’est un sacré marrant !
– Quenottes ? Ça a à voir avec les quenelles ?
– Nan nan, du tout du tout… C’est mon pote et mon collègue aussi, le Chef de l’Unité Maritime et Fluviale du LFPD.
– Ha passkeu y a la mer ou tu crèches ? Et des fleuves ? ‘tain j’ai horreur d’la flotte moi !
– Bah oui : la mer, pis une rivière qui traverse l’Île d’un bout à l’autre… Oui, mais ça c’est normal vu que t’es un Tichat, enfin une Titchate exactement…
– Et Adrien, il habite là aussi ?
– Oui oui, il habite à Lingua Franca…
– Bon…. Bah si ca se passe bien, moi aussi faudra qu’ j’habite là, alors…
– Hobah, va pô être un souci ça… Pis tu pourras faire du surf avec Quenottes, c’est super marrant tu verras !
– Mais oui, c’est ça : SUR L’EAU !!!! T’es un grand malade toi, hein !
– Mais naaannn : SUR Quenottes !!! Tu risqu’ras rien !
– Si : d’être mouillée!
– T’inquéte : les Tichats vont bien t’trouver une combinaison d’plongée…
– Mais dis, tu m’causes de ton pote là, c’est un toutou comme toi ?
– Ha nan… Du tout du tout… Quenottes c’est un Carcharodon Carcharias… Un Grand Requin Blanc, si tu préfères…
– Heuuu… Nan ! J’préfère pô, nan ! Pô envie de m’faire bouffer en plus d’être trempée !
– 6 mètres qu’y fait l’bestiau ! 3 tonnes à la dernière pesée ! Du coup y fait un peu la gueule pask le toubib l’a foutu au régime…
– Habahoué : les régimes ça fout d’mauvaise humeur ! Raison d’plus pour pas l’fréquenter…
– Bon, ben t’auras qu’à y causer depuis l’ponton de « Chez Guéguette »… Il est marrant j’te dis, tu verras…
– C’est quoi ça encore : « Guéguette » ?
– Habah, Guéguette c’est une Institution ! Voire même « L’Institution » de Lingua.. Pis c’est la môman de la grande ton Adrien, en plus… Mais bon, j’te raconte pas tout : tu découvriras par toi-même, sinon y a plus d’charme… Mais, comment t’espliker… Tu vois ta grande là, « la » Arielle ? Hé ben Guéguette : c’est exactement l’antipode !
– Mouais… Heuuu… Antipode : c’est un casse-pieds ça, nan ?
– Oui, aussi… Donc, son opposée totale quoi… Un peu comme Jeckyll et Hyde… Bref… Bon dis, on cause, on cause, mais… On d’la route demain, pis les otes allumés y pioncent aussi… On f’rait bien d’en faire autant… Pis en plus, va falloir trouver où s’acheter du frichti…
– Oui, t’as raison. Pis les émotions : ca fatigue ! Allez bonne nuit, et à d’main…. Travolta !
Les deux nouveaux amis se mettent alors à rigoler tandis que Bizounours sors un oreiller de son sac à dos.
– Tiens, ma belle : installe-toi donc là-d’sus près du feu, tu s’ras bien…
La jolie Roxanne saute alors sur l’oreiller et se roule en boule bien au milieu.
– J’vais m’mettre devant, comme ça tu s’ras bien à ton aise… Ha, dis : si j’ronfle, on sait jamais : t’auras qu’à siffler… Allez : Nenuit, minette !
– Ron ron ron rooonnnn.. Ronnnffffffflllllll…
– Ronnnffffffflllllll aussi…
* Un grand merci à René Gosciny et Albert Uderzo, et aux Aventures d’Astérix & Obélix »Et les Normands »…
** Partagas Lusitania : est l’un des cigares roulés à la main les plus célèbres produits à Cuba et considéré comme le plus puissant Double Corona. C’est un cigare pour les connaisseurs, car un palais chevronné devra assimiler les riches saveurs du cuir et du bois et la puissance dégagée par sa fumée. (Hein ? Et après y en a qui diront qu’on écrit comme des cloches !)
*** La première ou l’premier qui nous fait une remarque à la con genre »auteure », »auteuse » ou »autrice » sous le fallacieux prétexte d’une fausse parité »bobo-parigot » de mauvais aloi : on y pète toutes ses dents de d’vant à coups de pieds d’chaise ! Namého ! Et pis quoi, encore…