Vol 1515 pour Marignane – Part 4
Lémonette a stabilisé l’bouzin et je me suis emparée du micro :
« Nokolo Lingua 1515 à Tour de Nokolo Lingua… scrruiitcchhh zzzzbboouiii wwwiizz ssccrrouuuiiittcchhhhh… Je répète, ici Nokolo Lingua 1515 à Tour de Nokolo Lingua… Chouchoune, tu m’arçois ?… Céné : c’est Juju, tu m’arçois ? Alloooooo… scrruiitcchhh zzzzbboouiii wwwiizz ssccrrouuuiiittcchhhhh… Tour de Nokolo Lingua ici Nokolo Lingua 1515… Chouchoune, t’es là ???… scrruiitcchhh zzzzbboouiii wwwiizz ssccrrouuuiiittcchhhhh… Putaing, méde ! mékikéfou ??? »
Lémonette, langue coincée entre les dents, les zyeux rivés sur le tableau de bord, plus concentrée qu’une tomate de Marmande dans un Cassoulet Toulousain, lâcha alors « A tous les coups a cause avec Ayiki ou alors a’s’rappelle pô qu’y faut abaisser l’gros commutateur rouge eud’la radio… »
J’opinais du chef comme une terrine du même nom et reprenais mes appels :
« Nokolo Lingua 1515 à Tour de Nokolo Lingua… zzzzbboouiii wwwiizz ssccrrouuuiiittcchhhhh… Tour de Nokolo Lingua, ici Nokolo Lingua 1515… Chouchoune : c’est Juju ! Tu m’arçois ? Tu m’arçois ? Alloooooo… wwwiizz ssccrrouuuiiittcchhhhh… »
ENFIN !!! Alléluia ! Cieux ! Gloria In Excelsis Radio ! La réception crépita :
« zarrkkkwwiiiiiiiiiiiiiizzzzzzzzzzzzzziiiiiiiiiiiiiiiii sccccccrrrrrrrrrrruittttchhhhhhhhh… ‘ci ‘our ‘kolo ‘ingua ‘arlez ‘okolo ’15… wwwiizz ssccrrouuuiiittcchhhhh… ‘arçois ‘a ‘uju, ‘arle…. zwwiiiizzzzzz..»
« Bouge ton potar, ma Chouchoune !!! » que je braillais comme un aveugle à un espérantiste mal embouché.
S’ensuivit alors un long dialogue qu’il serait trop long et fastidieux de retranscrire ici et, au bout d’une heure 1/2 d’échanges, Céné comprit enfin que je lui demandais de faire pivoter la molette du potentiomètre jusqu’à se caler sur une réception claire et non d’aller danser avec son chéri jusqu’à pas d’heure…
La voix radieuse -bien qu’un peu nasillarde par instant- de Céné raisonna alors dans le haut-parleur :
« Haaaaaaaa !!! Ben kaméme !!! Ppppppffffffff !!! C’est qu’on s’inquiétait avec Kiki ! Pis en plus j’me rap’lais plus pour le gros commutateur rouge… Pask en fait y en a 3 mais y en a un qu’est plus gros qu’les zotes pis qu’est pô placé au même endroit alors… enfin, bref… Bon, alors : tout va bien ? Zétes où ? Zavez pris des plaids ? Zavez des thermos de kawa ? Lémonette a ses gouttes pour le nez ? Pis toi Juju, tu mets pas la tête par la f’néte hein : va pas ‘core me faire une angine ! T’as ton écharpe au moins ? Et Paupiette : elle a pris ses bottes fourrées ? Pask elle est fragile des pinoux, hein… D’façon j’vous ai rajouté de l’aspirine(1) dans la pharmacie et pis on va vous tricoter des kruks pour l’prochain vol : ça s’ra mieux pour qu’vous soyez bien à votre aise… Ha vui, j’allais oublier en parlant d’ça : y a Güntaar Dumbgrossiceberg, le Gardien d’phare d’Anchorage, qu’a téléphoné en PCV pour savoir si vous aviez bien ses chaussettes ! Ha oui, et pis aussi y a moman qui gueule à cause de vot’ardoise : a dit qui faudrait régler avant la fin du mois à cause de sa comptabe, hein… »…
Ne pouvant en placer une, nous la laissâmes monologuer (c’est comme le Monopoly mais en plus joyeux) jusqu’à ce que, survolant le Bénin (c’est rien, me direz-vous, mais quand même…) nous entendîmes enfin :
« … Bon ben j’vous avais écrit une lette mais du coup qu’la radio a marche ben c’est pu la peine que j’vous l’envoille… D’façon chavais pô où l’envoyer, alors… Ha, et pis aussi y a Ayiki, Karine, Elhea, Morph, Ptilu et Mel, Roro et les zotes qui vous bizouillent… Parlez : à vous ! »
C’est cet instant que choisit Paulette pour débouler dans la cabine, moulée dans sa tenue hyper seyante de la Compagnie, avec un masque à gaz en bandoulière et un sac-banane-trousse-d’urgence autour de la taille, le teint proche de celui des falaises de Sangatte mais, malgré tout, avec ce sourire qui nous est si cher, pour nous demander : « Vous voulez boire kékeuchoze mes chouquettes ?… Ha et pis y a un bruit bizarre dans la soute et ça tremb’ de partout… !! »
Je lançais dans le micro : « Break Over, ma Chouchoune… Cht’arprends dans kek minutes… »
Lémonette étant toujours focalisée sur ses manœuvres, je regardais alors notre Hôtesse de l’Air Aérienne et répondais :
« Ha ouais, ça c’est zentil ma Paupiette : 2 Ricard doubles siteuplé… pask dans la préticipassion, précitipassion, perssuri, heu… bref : on n’a pô eu l’temps de prendre un truc avant de décoller, et pis voler kankon est à jeun, hein… Alors, pour le bruit, c’est rien t’inquiète, c’est normal : c’est la Pétromoulineuse à Impulsions Souscutanées Suspensives Engagées(2) que ce cher Baron(3) a installée pour booster le zinc. Ca bombarde un peu au départ mais on s’habitue vite qu’il m’a dit… Par contre faut pas oublier d’y mettre 2 sachets de fraises Tagada et un demi litre de MéthanolNitroglycériné toutes les 2 heures 1/4, hein… et, là aussi tkt pas : y a une provision suffisante… Quant au bruit… ben ça c’est normal aussi : Joe -tu sais : l’ancien U.S. Marines, le Super Mécano, le mec de Guéguette et donc par conséquent komkidiré le beau pôpa de Céné- a pas eu l’temps de finir de bien boulonner les cagouinses qu’il a installées en urgence. Pask vu qu’y avait pas de goguenauds, on s’est dit qu’y fallait kaméme être prudentes et éviter les… « zaccidents », si tu vois eudkoi que j’cause, je veux dire… Alors, soit tu prends la clef de 18 dans la caisse soit j’ira l’faire tataleur… »
Paupiette prit alors un air un peu pincé et minauda : « heu… ben, heu… j’préfère que ça soille toi pask moi tu sais, les trucs techkeuniques… Pis en plus là, je viens juste de me faire poser mes nioux faux zongles de chez Nails & Knives alors heu… Bon, ben je vous ramène ça de suite mes chouquinettes… » et hop : elle pivote sur ses talons aiguilles, légère et gracile telle une gazelle dans la brume aurorale et disparait vers l’arrière. Je la suis un instant des yeux, ce qui me permet d’observer nos passagers pour le moins des plus hétéroclites. J’attrape la liste dressée par Céné avec un soin et un souci qui forcent l’admiration… (Heuu… J’attrape la liste avec ma main -la droite en l’occurrence- pas avec un soin et un souci qui forcent l’admiration ! C’est la façon dont Chouchoune à rédigé la liste qui force l’admiration… C’est clair, bande de nèfles ?).
En effet, sur une belle feuille quadrillée Clairefontaine (naaann : pas l’pinard !!! pppfff), elle a de sa calligraphie fine et soignée, tracé de belles lignes verticales et horizontales d’un noir appuyé, formant une suite de cases de tailles variables, dans lesquelles elle a écrit, d’un joli bleu azur, les noms et prénoms desdits passagers puis, à l’aide de différentes couleurs allant du rose fuchsia au vert prairie, leur destination, leur nationalité, leur âge, leur profession, leur taille et leur poids approximatif (c’est bien une idée de Chouchoune ça, tiens !) et leur « aspect » ; le tout agrémenté, pour chacun d’eux, d’une petite caricature faciale qui s’avère des plus utiles pask vu qu’on n’a pas core reçu le photocopieur à l’aérodrome, ben la pove Chouchoune apouvépô photocopier les passeports dsé cons là pour découper leurs bobines ensuite et les coller sula feuille… donc alafé comme alapu, la pove ! Mais reusement kalé inventive pis kaldessine bien aussi, la pove !!!
Je commence ma lecture en zyeutant discrètement et par intermittence vers les rombiers en question :
Passager 1 : Giancarlo Senape Con Peperoni / New York / Italien / 47 ans / Colonel des Carabiniers / 1m80 85 kg / Se prend pour Vittorio Gassman. Cheveux et moustache noirs gominés. Costard de frimeur et pompes bicolores. Sourit aussi niaisement qu’un croque-mort devant l’entrée des catacombes. S’asperge d’eau de toilette et pue comme une vieille cocotte !
Passager 2 : Euthanasia Freshblood / Anchorage / Américaine / 41 ans / Chirurgien / 1m68 77 kg / Ressemble à Madame Doubtfire : a les mêmes lunettes, coiffures et fringues bien ringardes !!! Me f’rais pô opérer par une mégère pareille qui m’a même pô laissée de pourboire, en plus !!! (Saleté, va ! [En rouge, souligné et stabilobossé – Ndlr])
Un instant dubitative en zyeutant ces deux premiers trous du… heuu passagers, j’entendis alors Lémonette chantonner dans l’interphone :
« Mesdames et Messieurs, chères passagères et passagers… -brrrmm brrmmm kof kof arrkkll kof kof – Delenda Carthago, disait le Grand Caton… heuuu… Excusez-moi : un instant d’égarement… -kof kof brrruuumm- Mesdames et Messieurs, chères passagères et passagers donc, bienvenus à bord du Vol 1515 de la Nokolo Lingua Airlines, le Commandant Lemon Juice -c’est moi- et son équipage -c’est les deuzotes- est heureuse de vous accueillir et vous remercie d’avoir choisi notre Compagnie qui vous offre, en guise de bienvenue et de remerciement, une tartine de pâté de foie Hénaff, le pâté du mataf’, et un verre de La Villageoise 12°, rouge ou rosé… Nous survolons zactuelment la Côte d’Ivoire que vous pouvez pô voir pask y a des nuages, d’une part, pis k’dote part on est kro haut et qu’j’vais pas descende plus bas pour vos beaux zyeux. Eudfaçon y a pô grand-chose à voir, mais si vous z’y t’nez vraiment note kré charmante Hôtesse peut vous vendre des cates postales des patelins kon traverse… Ceci dit, belle abbesse [keskelle l’adore celle-là ! Ndlr], des plateaux repas vous seront servis aux heures heu… ben des repas, hein… Et pis des boissons aussi : Ricard, bière, pinard, etc… Des ouatéres toutes neuves sont à vot’ disposition à l’arrière de l’appareil et tataleur on vous fera montrer un flime, l’Odyssée du Hindenburg, pour qu’vous trouviez l’temps moins long, pask on en a kaméme pour un moment, hein… Ha et pis aux zescales vous pourrez descende vous dégourdir les jambes mais sans vous éloigner trop d’l’appareil… Eudfaçon note charmante Hôtesse sera là pour vous appeler grâce à son sifflet à roulette selon le code suivant : 1er coup de sifflet : rassablement devant la passerelle ; 2ème coup de sifflet vous r’montez à bord, un éventuel 3ème appel pourra être effectué à coups de fusil à pompe… Bon, ben valà, hein, ch’crois que j’a rien noublié… Ha, si : si vous avez envie de gerber -ça peut arriver, hein- y a des sacs plastiques qui sont prévus pour ça dans la tablette de vote siège… Donc, ben valà… j’vous souhaite un agréab’ voyage, donc et pis atataleur… »
Lémonette reposa le combiné et, alors que j’allais continuer d’examiner nos passagers, Paulette revint avec un tit plateau et lança toute sourire « et deux Ricardoss bien tassés mes chouquettes, deux !!! » tandis que la voix de Céné crépitait dans la radio :
« Nokolo 1515, ici Tour de Nokolo… scrruiitcchhh zzzzbboouiiiwwwiizzssccrrouuuiiittcchhhhh… Nokolo 1515, ici Tour de Nokolo… zzzzbboouiiiwww… Ma Juju, c’est Chouchoune… kkkwwiiiiiiiiiiiizzzzzzzzzzzzzziiiiiiiiiiiiiiiii… Dis, y a un kruk, là… Y a Lucien, poil au chien(4), qui m’dit qu’il a krouvé un kruk bizarre en zegzaminant la liste des passagers… »
Lémonette, Paupiette et moi nous nous sommes alors regardées non seulement avec nos yeux mais aussi avec une stupéfiante stupéfaction stupéfaite (de fin d’année)…
To be continued, comme le disent si bien les adeptes de la langue de Chakésseupire…
(1) = Pétromoulineuse à Impulsions Souscutanées Suspensives Engagées (Acronyme P.I.S.S.E : Turbo Compresseur Suralimenteur d’Appauvrissement (largement inspiré d’une invention précédente : le Turbo Alleau-Zaille, du nom de ses inventeurs : Jean-Baptiste Alleau et Mario-Pacôme Zaille), dont le principe élémentaire de fonctionnement repose sur le fait que moins on consomme de carburant, plus le moteur tourne vite, et ce jusqu’au moment ou, ne consommant plus du tout, ledit moteur atteint la vitesse de la lumière…
(2) = Vulgairement appelé « acide acétylsalicylique » par les incultes, la plèbe et le bas peuple.
(3) = Baron Pierre-Auguste Pétrogallon Amédé Eugène Winceslas Tiburce PINARD, dit « Le Baron » [28 Pluviôse 1714 -…/…] ; Amiral des Forces de Libération du Belouchistan Extérieur Oriental du Nord-Est, Pataphysicien, Ingénieur, Médecin, Philosophe, Guérisseur, Philanthrope et Quincaillier-Fraiseur, celui dont on a dit, après Léonard : « C’est LE Génie ». Cervalobélophile, Ferroviepathe et Molubdotémophile éclairé, Sérendipiste de renommée mondiale, Précurseur-Visionnaire et génial Inventeur, entre autre :
– du Verrou de Porte des Cagouinses
– du Percolateur à Saucisses
– de l’Edredon à Réaction
– du Thermomètre Rectal Magnétique
– du Bathyscaphe en Eponge Synthétique
– de l’Epingle de Sûreté à Molette
– du Parachute Electrique
– du Lavabo à Pédales
– de La Bougie à Pétrole
– du Repasse Limace
– de l’Extincteur à Essence
– de L’Autobus à Deux Places
– des Bretelles en Fer Forgé
– du Coquetier pour Œuf d’Autruche
– du Peigne Pour Chauve
– de l’Eplucheuse de Spaghettis
– des Bottes pour Cul-de-Jatte
– de la Vis sans Filetage
(4) = Le Flic de Nokolo, Lucien Cordier dit Lucien « Poil au Chien » (à l’air con et la vue basse mais faut s’méfier kaméme…)