
À L’ABORDAGE! (SUITE 5, SUITE 8 D’APRÉS L’ANNONCEUR)

« La Biche cinglait toutes voiles dehors pour fondre telle une frégate sur l’énorme et imposant galion arborant fièrement le pavillon du Roi d’Espagne » …çà c’est ce qu’on lit habituellement, confortablement installé dans un fauteuil en dégustant un thé.
En fait, plus précisément, la Biche tentait d’approcher d’un galion aux voiles pendantes d’où provenaient braiements et chants qui essayaient de paraitre liturgiques. C’était jour de grand messe à bord du galion, sous la férule de l’impitoyable Padre Juan “Carne de Gallina” de Ponce y Torquemada. Un homme de caractère, très contrarié de se voir exilé dans le nouveau monde après quelques « légers accidents d’Inquisition ». D’où l’entrain des matelots à brailler comme des veaux à l’abattoir pour entonner les beaux cantiques latin. Ils n’entravaient que pouic à ce qu’ils chantaient mais mettaient la même allégresse que pour entonner leur version locale de « En revenant de Nantes ». Suscitant quelques regards très soupçonneux … Sans même les moindres égards pour les obsèques du Capitaine qui venait de défuncter d’un furoncle mal placé, au petit jour.
En théorie, un spectacle émouvant.
Attention! La suite va se dérouler à une vitesse foudroyante, suivez bien!
Le « Te ergo quaesumus » était entonné lorsque …
La Biche se glissa dans un raffut d’espars et de matures craquant de toutes parts, les gréements faisant un raffut de gaffophone™, elle vint se coller habilement au galion tandis que les grappins volaient. Interrompant sans vergogne le Te Deum.
« Mais euuuhhh … k’esse k’elles fichent en bas? J’avais dis de canonner à 50 toises Ludi … »
« J’sais bien Capt’aine mais là elles discutent de savoir si on va à Nantucket… » avoua-t-elle au bord de la dépression nerveuse.
« Mais?! »
« À l’abordaaaaaaaaaaaage! » hurla Ginette d’une voix de stentor. « À moi les mousses! »

Hurlements et « Ouuuuééééééééé! » couvrirent les jurons multilingues beuglés à tue-tête.
Ce qui s’ensuivit fut aussi insoutenable que le triste spectacle d’adolescentes confinées durant deux mois, et à qui on vient de dire que Johnny Depp les attend avec impatience de l’autre côté du bastingage. Une ruée hystérique et frénétique déferla sur le galion, emportant et culbutant tout sur son passage!
» ‘on chang! ‘ais… ‘ais… Gelles nous jattendent ‘ême ‘as! » Bégaya la capitaine toute dépitée.
» Gelles chont ‘olles ‘apt’aine! » Bafouilla la Seconde aussi dépitée.
Un sabre dans une main, un pistolet dans l’autre et le couteau entre les dents, ben ça nuit énormément à la communication il faut bien le reconnaitre. Attirées par le raffut sur le pont du galion, la Capitaine et sa Second furent bien obligées d’aller voir ce qui s’y passait …
À suivre … 😉
PS: Justine, si la Grande Encyclopédie des Nœuds Marins avec Estampes de monsieur Hokusaï aux Éditions Shibari ne suffit pas à distraire ce brave Professeur Delco, essaie le calendrier Aubade©®™ de Juin 2020.