
Le Coup de Gueule de Juju
Par cette belle journée radieuse de printemps Lingua Francien, j’avais décidé d’aller visiter quelque peu le Paris de la Belle Époque, c’est à dire : Paris 1900…
Sitôt tépétationnée : sitôt partie !
Légère et court vêtue j’allais donc à grands pas ;
Ayant mis ce jour-là, pour être plus agile,
Une culotte simple sous une robe à pois.
Prétendant, ainsi tournée, visiter LA Ville,
Votre Juju alors, jolies mules chaussa…
Un vieux refrain se mit alors à trotter dans ma tête
« Je m’baladais sur l’avenue
le cœur ouvert à l’inconnu,
J’avais envie de dire bonjour à n’importe qui…
N’importe qui et ce fut… DAAKKKOOOUUUAAA ??????? »
« Bon sang de pétard de crévindiousse de vindedlà de bondidiou !!!!! »
Bondis-je, trépignais-je et sursautais-je au détour d’une rue qui tourne en faisant comme qu’y dirait un angle en quart de cercle que ça fait comme un coude mais à l’équerre, quoi… Un peu comme un carré qu’on aurait coupé en diagonale mais en un peu plus rond, v’voyez ?
Bref… Mon sang de Chef du LFPD ne fit qu’un tour et, quasi statufiée, j’observais, les yeux tout ronds, l’affligeant et déplorable spectacle qui s’offrait à moi : monolithique, attifé comme l’as de pique et impavide, un pseudo Gardien de La Paix Parisien était planté là, ressemblant à tout mais surtout à n’importe quoi. Mon acrimonie historienne et uniformesque prenant le dessus, je contournais, l’air innocent et le sourire niais (ou l’inverse), ledit Flicard qui ne broncha pas. Je me campais derrière lui la rogne au ventre, pris trois pas d’élan et… PAF ! Je lui envoyais, de toute mes forces et de bon cœur, un coup de pied d’anthologie dans l’arrière-train qui ne siffla pas trois fois !!!
Moi, si :
« Ouille ouille ouille ouille ouille !!!!! » : cet abruti était en fait une statue et, braillante, beuglante et claudicant en massant mon magnifique et pauvre pinou endolori, jurant comme une charretière pour apaiser ma douleur, j’avisais alors, entre deux sauts de cabri, un marchand de glaces ambulant sur la chariote duquel je me ruais et plongeais mon si beau pinou tout douloureux dans un bac (avec mention) de sorbet vanille salvateur…
« Hhhaaaaaa !!! » Soupirais-je d’aisance et de soulagement. Je dus cependant abréger mes soins podologiques et, jetant fissa quelques $L sur ladite chariote, je filais aussi vite que je le pouvais poursuivie par les « hharrggfll***@@!!vgqstlgrrrr grlvxpsghtz@!!!rgnhtaftov*** !!! » du vendeur de glaces Italien qui lançait dans ma direction divers ustensiles en inox, cornets et gaufrettes…
Avisant une fontaine publique, je lavais et séchais mon si magnifique pinou et retournais auprès de l’ignoble statue flicardesque que je détaillais de la tête aux pieds et desdits pieds à la tête : le spectacle était pathétique…

En dehors du Sifflet à Roulette et du Bâton Blanc -qui tient cependant plus d’une Barbe-à-Papa en fin de vie que d’un matériel de Police- et de sa pèlerine -bien qu’il y manquât le numéro de collet brodé en cannetille-, tout le reste était à hurler, sinon de rage du moins de rire…

Ainsi, « l’homme » porte -je vous rappelle que nous sommes sensés être en 1900- une chemise blanche à col souple avec une cravate noire sous un uniforme se composant d’un pantalon et d’une vareuse droite, dont la couleur et la coupe ne laissent aucun doute : il s’agit là d’une tenue récupérée dans les stocks que la Luftwaffe a abandonnés lors de la Libération de Paris le 25 Août 1944, soit quarante quatre ans plus tard que l’époque évoquée ici…
La bedaine du menhir déguisé est ceinte d’un ceinturon auquel pend, à droite, un étui-pistolet et, enfin, sa hure est surmontée d’un képi de la même couleur que l’uniforme, nanti d’une jugulaire noire et d’un turban blanc évoquant vaguement -hormis la couleur du bandeau donc- un « kébour » de gendarme. Sur la face avant de ce bandeau, enfin, est apposé un ridicule et minuscule écusson représentant TRES vaguement l’insigne de la PP (Préfecture de Police de Paris), insigne qui, lui, ne fera son apparition qu’en… 1927 !

Alors, que certaines personnes dans le contexte de cette Sim 1900 jouent aux moralisatrices et gardiennes de la vertu, de l’authenticité et de la vérité historique en n’hésitant pas à regarder, tel Alain Souchon, « sous les jupes des filles » : soit ! Mais que ces mêmes personnes, dès lors, respectent leur propre « code d’honneur et de déontologie » et l’Histoire avec un grand « H » et se renseignent et se documentent auprès de gens compétents dans le domaine visé ! Et que ces mêmes personnes se rassurent : il y en a plein…
Voici donc, et pour se faire, une petite leçon gratuite d’Histoire Uniformologique Policière Parisienne…
Nous sommes en 1900 donc et, depuis 1893, le Préfet de Police de Paris et du Département de la Seine(1) s’appelle Louis Lépine. Homme de petite taille mais d’un fort caractère, héros de la guerre de 1870, il règne sans concession et d’une main de fer sur les quelques 8.000 Agents de la Préfecture de Police -soit près du quart des Policiers Français de cette époque- répartis en deux Services distincts :

- Le Service de la Sûreté, avec ses Commissaires et Inspecteurs en civil (environ 700 hommes), répartis dans les différentes Unités de la Capitale et de la Zone Suburbaine.
- La Police Municipale, forte de 31 Officiers de Paix, 80 Brigadiers, 666 Sous-Brigadiers et 6000 Gardiens de La Paix, soit quelque 6800 hommes en Uniforme, répartis dans les 20 Commissariats d’Arrondissements et ceux des Communes Suburbaines, et commandés par 5 Commissaires Divisionnaires sous l’autorité du Directeur de la Police Municipale.
Oui, vous avez bien lu : Police MUNICIPALE ! Hé oui… Car dites-vous bien que l’actuelle Police Nationale n’existe que depuis la Loi du 10 Juillet 1966 et que jusqu’à cette date -en dehors du Préfet de Police et de certains de ses collaborateurs issus, comme lui, de la « Préfectorale »- TOUS les Agents de la PP, Commissaires y compris, sont des Fonctionnaires Municipaux ! A Statut « Particulier », certes, mais Municipaux malgré tout… Et malgré, surtout, une Municipalité SANS Maire ! Paris en est en effet dépourvue depuis 1871 et ne retrouvera son Édile qu’en 1977, mais ceci est une autre histoire…

Or donc, me direz-vous alors, comment était vêtu et équipé le Gardien de La Paix Parisien en 1900 ?
Hé bien notre homme porte, en premier lieu, un uniforme de couleur Bleu-Nuit passepoilé de Rouge -couleurs de Paris- se composant :
– d’un pantalon à pinces sans revers dont la couture extérieure de la jambe s’orne d’un passepoil rouge
– d’une vareuse à col droit dit « col officier » et plastron croisé à double rangée de 7 boutons en métal argenté aux armes de la Ville de Paris. Le col s’orne de chaque côté, en cannetille dorée, du numéro de l’Arrondissement -en chiffres Romains- auquel l’Agent est affecté et -en chiffres Arabes- de son numéro de Matricule. Le col, le plastron et les revers de manche sont passepoilés de rouge…
Sur la vareuse est sanglé un ceinturon de cuir noir ciré à boucle de laiton aux armes de Paris rehaussé d’un bandeau estampillé « Police Municipale ». A ce ceinturon, à droite, est suspendu soit par une attache-mousqueton, soit dans un étui de cuir noir, le fameux Bâton Blanc, d’une part et, à gauche d’autre part, dans son porte-fourreau de cuir noir, le Sabre-Baïonnette du Fusil Chassepot 1866 qui constitue, à cette époque, la seule arme individuelle dont sont équipés les Gardiens de La Paix.

Il faudra que, le 27 Février 1912, l’Agent Garnier soit lâchement abattu à bout portant par les membres de la tristement célèbre « Bande à Bonnot » qu’il tentait d’interpeller SEUL, pour voir les Gardiens de La Paix Parisiens dotés individuellement du Révolver Saint-Étienne 1892 qu’ils porteront ostensiblement dans son étui « Jambon »…

Une pèlerine à capuche, en laine Bleu-Nuit et à quatre boutons en métal argenté, eux aussi estampillés aux armes de la Capitale, vient compléter la Tenue de notre « Sergot » -surnom affectueux donné aux Gardiens de La Paix en souvenir de leurs prédécesseurs les Sergents de Ville- qui n’a plus, dès lors, qu’à enfiler son képi pour être opérationnel.
Ce képi est le même que celui adopté par l’Armée Française : le Modèle 1884. Sa visière est en cuir noir glacé mais non brillant, tout comme sa jugulaire ajustable. Le bandeau, le turban et le calot sont en drap Bleu-Nuit, les coutures reliant ses pièces entre-elles sont passepoilées de Rouge. Sur la face avant, enfin, est agrafée une plaque de laiton aux armes de Paris.

Pour l’anecdote, sachez que notre brave Sergot a obligation de porter des moustaches dites en « guidon de vélo » et doit se rendre de son domicile à son Commissariat, et inversement, revêtu de sa Tenue d’Uniforme et qu’il est tenu de répondre à toute réquisition qui lui serait adressée mais aussi d’intervenir s’il constate une infraction quelconque… Ainsi, en toutes circonstances et à toutes heures du jour ou de la nuit, est-on sûr de trouver un Agent près de chez soi, disponible et apte à répondre à toute demande et à porter aide, assistance et secours… Cette obligation perdurera jusqu’à l’unification de la Sûreté Nationale et de la Préfecture de Police en 1966 et à son Décret d’application effective de 1972. C’était peut-être « ça », au fond, la vraie Police de « Proximité »…

(1) : Créé en 1790 et supprimé le 1er Janvier 1968, l’ancien Département de la Seine , dit aussi de l’Ile de France, se composait des 20 Arrondissements de Paris « intra muros », de l’actuel Département des Hauts-de-Seine et de la moitié de ceux du Val-de-Marne et de la Seine-Saint-Denis. Ces trois dernières zones géographiques étaient qualifiées de « Suburbaines » au sein de la Préfecture de Police dont elles relevaient.