
Vol 1515 Pour Marignane – Episode 12 (1)
Vol 1515 pour Marignane – Episode 12 (1).
(Allez hop… On fait ziquer tranquillou : tout droit jusqu’à Lamotte-Beuvron sur du Môssieur Charles Trenet entrecoupé de Môssieur Georges Brassens… Tassiooonnnnn ! Moteur ! Clap : Ca tourne !)
4 ôté de 8 : nous reste 4 passagers tout sages ! Le « Chalomiste », la Toubib « Doubtfire », le pseudo Evêque et Albert Lien, le 8ème et le moins loquace de nos passagers…
Paupiette et Karine, qui ne manque pas de lui donner un coup de main -ce qui est même suspect au vu de leur fréquents allers-en-alternance-vers-la-soute et retours-avec-des-joues-de-hamsters-fraisotagadesques- papotent à tout va ; papotages entrecoupés de « Holalaaaa ! » « Haaannn ! » « Tu crois ? » « Si si si ! » « Pô vraaiii ? » « Mais si cht’assure ! » et de gloussements qui fileraient de l’urticaire à cher bon vieux Père Dodu, pourtant spécialiste de la Dinde s’il en est…
Bref, ça volait tranquille… Oulan Bator – Lamotte-Beuvron : c’est tout droit ! On ravitaille à Astana (Capitale du Kazakhstan) ce qui nous permet de nouer de nouveaux et brefs, mais riches et chaleureux, contacts locaux :
«Bonjour, le plein siouplé… »
« Ca marche ! J’vous fais l’pare-brise aussi ? »
« Voui, j’veux bien siouplé… »
« Et valà ma p’tite dame ! Ca nous fera XXXXX,50… J’vous fais une fiche ? »
« Ha bah voui, marsi… Tenez ! Pis gardez la monnaie ! »
« Marsi bien ! Bonne route et à la r’vouaillure ! »
Chaleureux et enrichissants, donc…
Et on repart béates, bercées par les accords des voix chaleureuses des chanteurs dont nous reprenons les refrains en chœur, rarement entrecoupés de quelques messages des différentes Tours de Contrôle…
Dernière escale de ravitaillement avant Lamotte-Beuvron à Budapest (Hongrie), avec toujours ces mêmes riches échanges humains qui réchauffent le cœur du voyageur :
«Bonjour, le plein siouplé… »
« Ca marche ! J’vous fais l’pare-brise aussi ? »
« Voui, j’veux bien siouplé… »
« Et valà ma p’tite dame ! Ca nous fera XXXXX,50… J’vous fais une fiche ? »
« Ha bah voui, marsi… Tenez ! Pis gardez la monnaie ! »
« Marsi bien ! Bonne route et à la r’vouaillure ! »
Chaleureux et enrichissants…
Enfin et en moins de temps qu’il n’en faut à Poupougne pour siffler 5 Ricard = la balise de la Tour de Lamotte-Beuvron nous renvoie son écho ! Mais pas de messages radio malgré mes appels…
J’insiste, mais nada ! Je réitère, m’égosille dans cette foutue radio, mais que dalle !!! Poupougne survole le site à vitesse d’approche et me lance :
« Dis-moi que ça peut pô ête « ça » kaméme ???!!! »

J’écarte les mains en signe d’ignorante impuissance et renvoie un message qui n’a pour réponse que des « bbzzuiibrrll grruiii ziiiiiiiiii zzzzooouuuuiiiikkk » !
« Ben ma Poupougne, lui dis-je, la balise elle est là : elle bip ! Le GPS qu’a installé Elhea peut pas se gourer ! En plus, chais pas si t’as vu le voyant mais… Faut qu’on songe à se poser et fissa ! »
Lémonette râle, maugrée, ronchonne et grogne :
« Méde ! T’as raison ! Putaing c’est pas vrai !!! On va être obligées de se poser au milieu de la bouse !!! Font chier ces péquenots ! Choppe tes commandes ma poule = on y va ! A la guerre comme à la guerre ! »
J’obtempère, comme la lampe du même nom, tandis que Poupougne aligne l’Intrépide et commence sa descente :
« ‘tachez vous, que je braille dans le cockpit, ça risque de s’couer ! »
En fait pas tant que ça… La terre fraichement labourée nous accueille moelleusement et, en dépit de quelques cahots, nous nous posons sans mal ! Poupougne réduit les gaz, pivote le valeureux, vaillant et courageux Intrépide dans le sens du départ et coupe enfin le moulin…
Un « ouf » de soulagement, un sourire, et nous quittons le poste de pilotage. Paupiette et Karine se sont précipitées pour ouvrir les portes et tout le monde, sans vraiment savoir pourquoi, met pied à terre… Ca sent bon la terre fraichement retournée, l’armoise et le sureau, les pâquerettes, les coquelicots et la rosée sur les feuilles des chênes centenaires qui nous entourent… Tout le monde sourit benoitement…
C’est le bruit du « Potopof potopof ! Potopof potopof ! Potopof potopof ! » qui nous a sorti de notre torpeur bucolique mais surtout les « Haaalaaa ! Mon Dieu ! Maman ! Halala ! Maman, Mon Dieu !!! Et mais qu’est ce que c’est que tout ça, Mon Dieu, Maman ! Halala ! Maman, Mon Dieu ! » que poussait un pégu local perché sur un tracbouse de la même couleur qu’une Echelle de Pompiers et que sa couperose !

C’est aussi à ce moment là que surgit à tombeau ouvert une Limousine noire de 8 mètres de long ((heuu, pas une habitante de couleur cette belle Contrée du Limousin, ni une vache de la même race qu’aurait fautée avec un taureau Andalous hein, mais la grande voiture du même nom, une Limousine quoi… Ndlr)).
Elle stoppe à deux mètres de nous et en sort trois curés aux mines pas tibulaires mais presque qui foncent dans l’appareil s’emparer des valdingues de « l’évêque » lequel nous gratifie d’un sourire coincé et d’un :
« Ce fut un voyage très enrichissant ! Encore merci à vous ! Je recommanderai votre Compagnie au Saint Père… » Il se fend d’un signe de croix digne d’Eli Wallach dans « Le Bon, la Brute et le Truand » ((et je pense savoir quel rôle il aurait tenu dans ce chef-d’œuvre du 7ème Art)) suivi d’un :
« De profondis lapsus, cassus belli in vino veritas bénédictine ! Bon Vent ! »
Et il saute dans la Mercoss qui démarre en trombe, tandis qu’on entend l’Abbesse, assise à l’avant mais dont on ne voit pas le visage masqué par sa cornette, lui lancer :
« Il était temps que tu arrrriiivess ! Il va faloirrrrr fairrrrre vite ! »

Paupiette, Poupougne et moi nous nous scrutons interdites tandis que Karine nous fixe en essayant de comprendre « quoi qui peut bien se passer à s’t’heure » sous les yeux tout aussi stupéfaits de nos trois passagers restants…
C’est au moment où Poupougne allait parler que le « Potopof potopof ! Potopof potopof ! Potopof potopof ! » vient s’arrêter devant nous et qu’en saute tel un diable hors de sa boite le représentant des méandres de la consanguinité alcoolique locale…
« Halala !!! Mon Dieu ! Maman !!! Halala !!! C’est une catastrophe !!! Un désastre !!! Maman !!! Un véritable cataciclysme (ça il arrive pô à l’dire…), une calamité !!! Mon Dieu, Maman !!! Qué Malheur !!! Qué Catastrophe !!! »
« Oué ben la catastrophe c’est de nous faire atterrir dans les plans de betteraves ! Namého ! » Commence à brailler Poupougne…
Il sourit niaisement avec les mêmes dents que Fernandel mais en plus chevalin :
« C’est pas des bétteuraves : c’est des radis ! Mais c’est comme qui dirait cousins ! Z’êtes pas forte en agriculture vous, on dirait, hein ? minaude-t-il avant de se remettre à piailler : Mais NON ! La catastrophe, LA !!! Vous l’avez bien vu : Làààà !!! Maman, Mon Dieu : le ganstère (Oué ben ça non plus il arrive pô à l’dire…) « IL » est revenu !!! C’est terrible !!! Terrible !!! Il faut prévenir le Maire, Monsieur Peloux, et le Conseil Municipal !!! Y a pas une minute à perdre, Maman ! »

Curieux, mais là pour une fois, c’est Paupiette qui s’énerve !
« DIS DONC, MACHIN ! Lui braille-t-elle en pleine face, premièrement ma copine c’est pas ta maman qu’je sache ! Deuxièmement, faudrait voir à causer correct aux gens qui t’emmerdent kankicozent correctement ! Secondement, on enléve sa casquette kankoncoze à une Dame qui cause correct ! Secundo, avec s’k’on a dans les pattes, ça serait-y bien aimab’ d’espliquer, même dans ton langage à toi, quoi qui s’passe pour qu’on comprenne s’qui s’passe ! Audi, heuuu… Quatro : vas y mollo pask’y risqu’d’y avoir d’la distribution sous peu ! Vu ? ».
Lémonette et moi on en reste talquées !
« T’as besoin de ça, ma puce ? » demande alors Karine, avec un sourire enjôleur, en présentant à Paupiette son cher extincteur…
L’effet à l’air de calmer le pécore qui enléve sa gapette et, la tournant entre ses doigts gourds, reprend lentement :
« Mama heu… Madame, je vous fais bien mes zescuses ! Mais c’est très grave : l’évêque, là ! Hé ben c’est pas un vrai évêque !!! »
« On s’en s’rait un poil douté… » Maugrée Poupougne
« Halala, Mon Dieu ! Y faut pas rester là !!! Ca va faire du vilain !!! »
Je décide donc d’y mettre mon grain de sel :
« Heuu… Dites moi, mon brave homme, dis je en lui tendant une cigarette tandis que j’en allume une, nous on est là pour déposer « l’évêque » -ça c’est fait- et livrer 150 kg de Saucissons Cochonou, 150 bouteilles de Ricard, autant de Villageoise, et 500 Camemberts Lepetit, puis prendre chargement de 300 Litres d’essence de Passiflore Bleue (Passiflora caerulea) et d’extrait de Lavande Bio conditionnées en fioles de 5 cl… Le reste, hein… Mais, surtout, faudrait qu’on donne à boire au coucou… Parce qu’un DHC3, c’est comme vous : ça tourne pas à l’eau d’Evian… Alors, où c’est qu’elle est la pompompe à kérosène, humm ? »
Il aspire goulument sur sa blonde ((la cigarette que je viens de lui offrir ! bande de chacals en rut !!!)) et me regarde niaisement :
« Au village… Sinon y faut attendre que Paul, le garagiste-ambulancier-pompiste-mécanicien-coureur de rallyes-conseiller municipal-livreur de fioul, y vienne avec son camion… Mais ça… Avec l’arrivée du ganstère… »
J’en reste bouche bée, mes copines et nos passagers aussi… Le regard d’animelles ((vulg. « couilles de mouton » -un délice de roi, j’vous donnerai la recette…)) du pégu s’illumine comme un halogène à la tombée de la nuit :
« J’ai une idée !!! » ponctue-t-il avec un sourire béat !
« Alléluia ! » murmure Poupougne tandis que Karine, Paupiette et les passagers soufflent un « Oh, Mon Dieu ! » résigné…
« Heuu, une « idée »… Vous pouvez préciser, siouplé ? » Interroge-je dubitative en lui balançant une bonne taffe de fumée en plein poire…
Il toussote avant de reprendre, en souriant, d’un air toujours aussi niais mais légèrement plus illuminé qu’auparavant :
« Le tabac blond, ça me fait tousser ! Pardon… Alors voilà mon idée : j’ai une barre de traction dans la remorque de mon tracteur, on a qu’à la fixer à votre engin et je vous tracte -vu que c’est un tracteur et une barre de traction, vous voyez…-, je vous tracte donc jusqu’au village et là vous ferez votre plein de carburant… Et pour revenir décoller vous aurez pas besoin que je vous tracte avec ma barre de traction et mon tracteur puisque vous pourrez rouler toutes seules puisque vous aurez fait le plein ! »
« Et la route ? » demande Poupougne pleine de lassitude.
« Quoi la route ? Ben elle est là la route, juste en bas du champ… enfin du terrain d’aviation… Le village, il est à peine à deux kilomètres… »
Re GROS soupire de Lémonette :
« La largeur de la route, je voulais dire !!! On va pas risquer de bousiller les ailes dans les arbres ou les poteaux ! »
Il ricane le bouseux :
« Haaaa mais noooon ! Ça, ça risque rien = les poteaux y sont sur la route de Conchie-La-Panade ! Ici y zont enterrés les lignes parce que ça faisait des interférences avec les trucs de l’aérodrome… Du coup on en a profité aussi pour élaguer et dessoucher les platanes… à cause des jeunes qui roulaient trop vite en voiture en revenant du bal et qui avaient tendances à les embrasser, les platanes… Du coup, hop = plus de platanes ! Maintenant y tombent directement dans la rivière… De façon, le temps que les Pompiers Bénévoles y zarrivent, vu qu’y sont à 14 km, y z’étaient déjà morts, alors… Maintenant au moinse : c’est plus propre ! Et plus écologique, aussi… Et puis surtout ça fait moinse de charge de travail à Arsène, l’Adjoint au Maire, qui est aussi le Fossoyeur… Mais y préfère qu’on dise « Agent Communal », ça fait mieux ! De façon, ça change pas grand-chose vu que les trous il les fait pareil, hein…»
Il nous regarde toujours en souriant comme un abruti devant nos mines statufiées avant de reprendre :
« Bon, ben allez : on y va ! Paskavec toussa, on parle, on parle … Et on perd du temps ! Et pendant ce temps là, le ganstère, il doit préparer son mauvais coup !!! Faut vite aller au village !!! En plus vous serez témoins ! »
« Témoins !!! Et témoins de quoi ??? » S’exclament-on d’une même voix.
« Ben des « événements », pardi ! Rétorque le péquenot en fixant la barre de traction. Halala ! Ça m’a tellement tourneboulé tout ça que j’en ai oublié de me présenter : Adrien Perrolas, Agriculteur et Conseiller Municipal… Bon, allez : grimpez dans votre engin et suivez-moi ! ». Il se met à braire en démarrant son engin :
« Suivez-moi ! Mon Dieu, Maman !! Va falloir que je la raconte aux amis celle là : « suivez-moi ! », Maman ! »
Avant de grimper dans l’Intrépide on interpelle le pedzouille :
« Mais, ça serait pas plus simple de passer un coup de fil au village ? Vous n’avez pas de portable ? »
Il dodeline :
« Non ! Et puis de façon, ici : ça capte pas ! à cause des machins du terrain d’aviation comme je vous ai dit ! Allez, grimpez : on y va ! »
Assise dans le cockpit je chouffe mon Ail Phone de Séte et constate qu’effectivement je capte que dalle !
« Bon, ben… roulons ! » lâche-je fataliste à Poupougne qui arbore une mine pas des plus convaincues par notre équipée…
Cahin-caha ((Va trotineeuu, va chemineuu… heu… désolée !)) nous voilà parties au cul du tracbouse, les mains sur les commandes de frein au cas ou… Le cadre est enchanteur : à notre droite, sous les frondaisons, coule calmement la rivière qui, nous l’apprendrons plus tard, s’appelle « La Beuvron », et qui incite à la trempette ou à la pêche à la mouche…

La fameuse route défile lentement et droitement au son des « potopof potopof » du tracbouse de l’Adrien Perrolas susnommé puis amorce une gentille courbe à gauche. Et ça là que ça commence à se gâter… Pris d’on ne sait quelle lubie, le voilà qui tourne la tête à droite et se met à nous désigner les rives de La Beuvron et vociférant avec force grands gestes :
« C’est « Lui » ! Il est là ! Avec sa femme et sa belleu-sœur ! Meûssieur Peloux !!! Il est là !!! »
Et il se met à klaxonner en braillant comme un possédé avec de grands gestes désordonnés :
« Meûssieur Peloux !!! Meûssieur Peloux !!! -tuuuttt tuuuttt tuuuttt- Meûssieur Peloooouuuux !!! Peloux !!! Peloux !!! Peloux !!! -tuuuttt tuuuttt tuuuttt- Meûssieur Peloooouuuux !!! »
Tout le monde à bord tourne alors la tête pour voir le spectacle champêtre dudit Maire, de sa femme et de sa belle sœur, profiter des charmes de Phébus, de l’onde miroitante et des roseaux dansants tandis que l’autre forcené continue derechef :

« Meûssieur Peloux !!! Meûssieur Peloux !!! -tuuuttt tuuuttt tuuuttt- Meûssieur Peloooouuuux !!! Peloux !!! Peloux !!! Peloux !!! -tuuuttt tuuuttt tuuuttt- Meûssieur Peloooouuuux !!! »
Et là, qu’est ce qui s’est passé ?… C’est-y emberlificoté les pieds dans les pédales ou les mains dans les commandes ou l’inverse, voire les deux à la fois, toujours est-il que le v’là parti à 90° à droite toujours en braillant et en klaxonnant… On a entendu un « scchhbooiiinnggg » -c’était l’attache de la fameuse barre de traction qui pétait à ras de l’arceau de l’Intrépide ((ha bah oué mais, hein = elle construit costaud la tite Elhea !))- et le tracteur et le péquenot, d’un même élan, ont sauté le terre-plein et ont filé droit vers la rivière !!!
Enfin, pas tout à fait …
En réalité ils ont bien sauté le terre-plein, MAIS, vu la vitesse du truc, après deux tonneaux et demi -on les a comptés- ils se sont ébousés au milieu de la pâture comme un Flamby ((nan, nan, pas l’ancien Président de La République : le dessert au caramel… Ndlr)) dans un verre d’eau bouillante, le tout dans un concert de « Halala-Maman-Mon-Dieu-Tuuuttt-tuuuttt-tuuuttt-Peloooouuuux ! » et autres bruits de tôles et ferrailles se tordant et s’entrechoquant…
On a tiré sur les freins et bloqué l’Intrépide et tout le monde a sauté en bas du zinc -auquel on a fissa mis ses calles- pour se précipiter vers « l’accidenté » tandis que, dans l’autre sens, Monsieur le Maire et ses donzelles faisait de même, sauf qu’ils n’avaient pas d’avion ni de cales…
Hébété au Jasmin et à demi groggy, l’Adrien Perrolas, le regard vers un horizon que nous ne pouvions voir, doigt crispé sur un klaxon qui ne faisait plus que « ppttt ppttt ppttt » et un sourire béat aux lévres chantonnait « à-la-clai-reuu-fon-tai-neu… m’en-al-lant-pro-me-ner… », avant de se mettre psalmodier : « Peu-loux… Peu-loux… »…

Tout le monde a fait cercle autour de l’ahuri et nous l’avons extirpé du défunt tracteur avant de l’allonger sur l’herbe.
« Ecartez-vous et laissez-le respirer, ordonne alors très professionnellement la toubib, et il me faudrait ma trousse qui est dans la soute à bagages ! »
Puis elle lui prend le pouls et observe son regard vide avant de le tâter sous toutes les coutures ((l’Adrien, pas le pouls !!! rhalalaaa vous autres, alors…)) et de reprendre :
« Il est choqué mais je ne pense pas qu’il soit blessé… Il faudrait malgré tout faire des radios et un examen plus approfondi… »
C’est alors que, fendant notre attroupement, chapeau sur la tête et torse nu sous la veste de costume qu’il a enfilée à la hâte, le Maire s’avance :
« Mais enfiinn… Mais qu’est ce qui s’est passééé ? Qu’est ce qui se passe iciii ? » Demande-t-il avec de gros yeux ronds.
Poupougne s’avance vers lui :
« Miss Lemon Juice, Commandant de Bord, Nokolo-Lingua Airlines, déclare-t-elle fièrement avant de nous présenter à notre tour et de narrer brièvement les événements qui venaient de se dérouler.
L’homme bombe le torse, sourit et formule avec emphase :
« Tiberius Peloux, Maire de Lamotte-Beuvron ! C’est un honneur pour moi d’accueillir un si charmant mais si courageux équipage, continue-t-il en saisissant la main de Lémonette qu’il porte à ses lèvres en un baisemain affecté avant de se redresser et de continuer l’air tragique : mais Adrien à raison = l’heure est graaave !!! Il faut absolument foncer au village prévenir tout le monde et prendre les mesures nécessairement indispensables qu’impose cette impérieuse situation dramatique ! »
Puis il se tourne vers les deux godiches à moitié à oilp qui l’accompagnent :
« Cocottes : la voiture ! On va transporter Adrien jusqu’au bourg ! ((Jusqu’au village quoi, parce que « Juskobour » c’est pas son nom, hein, vu qu’il s’appelle Perrolas, le bouseux… Ca va : vous suivez toujours ? Ndlr)) Vous, continue-t-il en fixant Poupougne, remontez dans votre bel oiseau d’acier et laissez-vous glisser… Juste après la courbe c’est en pente douce, c’est l’été ((ha ben dites, j’allais pô la louper celle-là, namého !)) : vous arriverez en douceur sur la Place d’Armes où nous vous attendrons ! En avant ! »
Nous chargeons l’Adrien dans le cabriolet d’un rose douteux des deux pétasses dans lequel monte le Maire ((heuuu… chais pô si c’est bien clair ce que je viens de dire, du coup…)) et qui prend la direction du patelin tandis que, après avoir ôté les cales du brave Intrépide, nous nous laissons glisser ainsi que suggéré sur la susdite route déjà évoquée…
Effectivement, en suivant lentement avec application et en jouant savamment sur les freins le dessin de la route, nous pénétrons dans la charmante bourgade de Lamotte-Beuvron, Patrie des célébrissimes Sœur Tatin, inventrices de la célèbre Tarte du même nom. Et en parlant de « tartes », ça sentait la prédestination… La voie principale, large et digne d’une photo publicitaire, permet au toujours aussi valeureux, courageux et vaillant Intrépide, de glisser entre les façades des maisons séculaires et de venir s’arrêter pile-poil au milieu de la fameuse Place d’Armes…

Re-blocage des freins, re-saut à bas du coucou et re-stabilisation avec les cales : « Lamotte-Beuvron : Nous voilà ! »((Merci au Général John J. Pershing(1) pour l’emprunt partiel de cette citation dont, nous lui en sommes par avance grées, nous savons qu’il ne nous tiendra pas rigueur… [D’façon il est mouru d’puis belle-lurette, alors… Et vu qu’ça mange pas d’pain… Ndlr])).

Tout le monde en bas du coucou. Face à nous, un beau stand de légumes Bio accolé au « Syndicat d’Initiative », d’une boutique de « Vêtements Issus de l’Industrie Artisanale Locale » (!!!), d’une échoppe de « Poteries et Cuirs Traditionnels » et, enfin, surmontant la place du haut d’un fort joli parapet en pierres, le Bar-Tabac-Journaux-Epicerie-Restaurant-PMU-Loto-Souvenirs-Agence Postale-Téléphone-Point Relais Colis-Dépôt Butagaz « Chez Julien ».
Le Maire, ayant revêtu une tenue plus décente, nous accueille entouré du Conseil Municipal au grand complet et nous invite à le suivre « Chez Julien » où se trouve, allongé sur une table, l’Adrien toujours aussi hébété…
« Il me faut ma trousse ! » dit alors la toubib…
« Pas la peine : j’ai ce qu’il faut ! » Rétorque Paupiette en plongeant la main dans son sac banane dont elle extirpe une flasque dont nous reconnaissons immédiatement l’étiquette : LE fameux élixir de Saint Kulsec !!!

« Z’inkiétez pas Toubib, continue-t-elle doctoral, j’ai tous mes diplômes : j’étais Infirmière au 17ème de Ligne… »
Et elle te balance une bonne rasade dudit élixir dans la goule de l’Adrien tandis que Karine en la regardant lui assène :
« Ca alors : moi aussi !!! En quelle année tu y étais ? »
Et schplaf, c’est reparti pour un tour : « Naaann ?? » « Mais si, mais si !! » « Ça alors !! » « Ha bah alors t’as connu le Colonel Truc ? » « Ha bah tu penses : un con pareil !! » et patati et patata…
BREF : on les pousse gentiment vers l’arrière salle tandis que l’Adrien se tétanise, passe par toutes les couleurs existantes, se dresse d’un bon en hurlant « Vive La France » et part comme une fusée et se met à faire le tour de la place comme Benny Hill !!! Manque plus qu’un p’tit vieux tout chauve pour qu’il lui file des claques sur la tête…

Au bout de quelques minutes de sa trépidante course folle sous nos yeux hallucinés, l’Adrien revient s’esplaffer sur une chaise du bistrot tout guilleret en lançant :
« Juliiieeen : j’ai soiffeeuu ! Donne-moi un grand Picon-Bière-Grenadine-Ricard-Menthe bien frais seuteuplé… ».
Tous enfin rassérénés quant au sort de l’ex-accidenté -y inclus la toubib, à laquelle Paupiette promet de donner une flasque du Saint Elixir ainsi qu’une lettre de recommandation pour le Père Abbé-, Môssieur le Maire se lève et va pour prendre la parole lorsqu’un bruit de crissement de pneus nous fait sursauter ainsi que celui de deux explosions simultanées…
On se précipite dehors et là…
« L’évêque » ! En costard « civil » et non plus en « uniforme », l’air pas commode du tout, devant la même Mercoss et trois sbires pas l’air joyeux non plus et, sur le siège passager, une pétasse emperlousée que nous reconnaissons et ne connaissons que trop = « la » Olga !!!
Scotchées, que nous sommes !
Le dégingandé s’avance l’air menaçant :
« Alors les péquenots : on avait oublié son Gérard ? Dix ans de placard grâce à vous, bande de bouseux ! Mais vous inquiétez pas, j’vais pas vous compter les intérêts : il est magnanime, le Gérard !… Alors comme ça, vous pensiez qu’le « Gégé » allait étouffer gentiment vos entourloupes et se laisser saucissonner de son flouze sans moufter ? Bande de branquignoles ! Chuis sorti y a 15 jours : remises de peine et bonne conduite ! Ca vous la coupe ça, les merdaillons, hein ? Alors voilà, c’est simple : j’ai du temps et de l’oseille à rattraper… Aussi, comme chuis bon prince, j’vous donne 24 heures chrono en main pour me rendre mes plaques… Oui, oui : mes plaques ! Prenez pas vos gueules de séraphins, vous savez très bien de s’que j’cause : les fameuses plaques que les poulets ont pas retrouvées quand j’me suis suis fait serrer grâce à vous y a dix piges, bande de loqueteux ! Donc : 24 heures chrono en main qu’y vient d’dire le Gégé, vu ? Ha, et pour l’anecdote : j’ai la Comtesse en otage !… Disons que c’est une sorte d’assurance vie, au cas où vous chercheriez à m’endoffer encore une fois, les bouseux… Quant aux explosions que vous v’nez d’entendre = j’ai fait péter le pont et le relais Télécom, des fois que vous auriez l’idée d’prévenir la Maréchaussée… Pour la route de Conchie-La-Panade, cherchez pas à y passer non plus : mes hommes la tiennent avec tout ce qu’il faut pour calmer vos éventuels élans routiers… 24 heures qu’j’ai dit : chrono en main ! Disons qu’il est Midi tapante, vu, les croquants ? »
Le soleil inonde la place d’une pesanteur Sergio Leonesque…
De notre groupe, un grand type blond aux cheveux longs et veste de treillis s’avance fièrement, toise le truand ((ben oué, là cette fois, faut bien appeler les choses par leur nom ! Ndlr)) et l’interpelle avec le plus incroyable accent Irlando-Américain que j’aie entendu depuis longtemps, même à Brooklyn South…

« Okay ! On a tous bien compris ça que tu veux, son of bitch ! Mais tou croua qu’on va se laisser faile sans bloncher ? Tou a l’air d’avouar oublié ça qui c’est passé y a dize ans… » ((C’était juste pour vous donner le ton, la suite du dialogue sera sans la transcription dudit accent… Ndlr))
Ledit Gérard grimace avec dédain :
« Toi, l’amerloque, va donc sucer l’Oncle Sam : ça te ferm’ra ton clapet et puis ça nous f’ra des vacances ! ».
C’est à cet instant très précis que les premiers accords du « Yankee Doodle » ont résonnés dans ma tête… J’ai malgré tout entendu Poupougne dire :
« Ca = fallait pô ! »…
Deux pas d’élans et je balance au vieux beau un uppercut que Mike Tyson n’aurait pas renié !
Sur la Place d’Armes résonne un « Schplaf ! » digne des meilleures scènes de castagne du cinéma international !
Le fameux Gérard, les bras en croix, part en arrière en titubant et s’étale sans cérémonie au milieu d’un banc de Laitues…
« Ca, c’est con ! » assène Julien Michalon.
Tout le monde le fixe interdit…
« Ben oui, quoi, continue-t-il en souriant, 10 cm plus à gauche et y tombait dans les pommes ! »
Fou rire général, comme vous devez vous en douter !
Le type se relève difficilement au milieu des rires et des laitues en frottant son menton tuméfié, retitube vers l’avant en tendant un doigt vengeur dans ma direction :
« Toi ! T’as d’la chance que tu soies pas un homme ! »
Je le toise en ricanant :
« Toi aussi ! Sinon j’aurais cogné plus fort, tu penses bien ! »
Re fou rire général !
Déconfit, il part en chancelant vers la Mercoss en nous lançant l’œil mauvais :
« 24 heures j’ai dit, bande de malfaisants ! Sinon vous recevrez les premiers morceaux du puzzle de la Comtesse ! 24 heures, pas une minute de plus !!! Rendez-vous demain midi tapant ici même pour l’échange !!! Allez : on décarre, braille-t-il en s’engouffrant dans la limousine ((nan, nan : on vous l’a d’jà spliké !! ppfff)) qui démarre sur les chapeaux de roues…
Suite et fin du zépisode demain lundi… Ha bah nan : mécredi !! Vu que d’main c’est mécredi… Heeuuu, samedi que j’voulais dire… C’est ça : samedi….
(1)https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Pershing