
Le Feuilleton de l’été : Les Mouettes
Justin Cassoulet (Fort accent Toulousain) : Ça roulait drôlement bien depuis la sortie de Concarneau, même que Calvados y devait être un peu jouasse pask’on s’tapait une moyenne de 24 km/h ! Je voyais l’Abbé devant moi qui braillait à tue-tête, et il avait l’air drôlement content… Avec le bruit du moulin, j’suis pas sûr, mais je crois qu’y chantait « Jésus Reviens »* ou « La P’tite Huguette »**… Mais, chuis pas certain…
Calvados Lendive : C’est vrai qu’on menait un train d’enfer. Par contre moi, au milieu du convoi, j’me bouffais toute la poussière des bagnoles de d’vant, et ça c’était un tantinet moins agréable…
Justin Cassoulet : Par contre, y avait l’Chef qui râlait pask, vu que c’est lui l’Chef, que c’était pas normal qu’il avait pas de chauffeur, mais bon…
Calvados Lendive : Y a un moment on a longé la mer, et je m’suis dit « tiens, on longe la mer »… Par contre, j’ai trouvé que ça gueulait fort dans le coin… Ça devait être les mouettes…

Justin Cassoulet : Dans l’rétro, y a Calvados qui m’faisait des »coucous » pis qui m’montrait la mer sur note droite… J’y ai fait signe que j’l’avais vu aussi, pis y m’a montré ses oreilles et l’ciel mais j’ai pas trop compris s’qu’y voulait dire.
Calvados Lendive : Y a l’Boussolier, à l’arrière du convoi, qui s’est mis à klaxonner. Y devait être tout content : il avait juste à conduire ! Paskeu, depuis l’épisode du Chili, on évite de l’laisser d’vant : on minimise les risques… Puis il a klaxonné beaucoup plus, et en même temps il s’est mis à gueuler ! Et y d’vait gueuler fort pask on l’entendait d’loin !

Justin Cassoulet : J’étais en train d’surveiller les niveaux d’ma »Chignole » quand, en relevant la truffe, j’ai vu l’Abbé d’vant moi qu’était à moitié r’tourné sur son siège et qui m’faisait des grands gestes désordonnés… Me suis dit »Mince : il a un pépin avec sa »Brouette » ! »… Pis là, l’Abbé il a pilé net, et j’ai pensé »Merde ! Ça doit être grave ! ». Du coup, j’me suis r’tourné pour prévenir Calvados qu’était juste derrière moi et là, j’ai vu passer l’Boussolier qui tenait son Adrian*** à deux mains en gueulant : « Barrez-vous ! Barrez-vous ! Planquez-vous les vieux gars ! »…

Calvados Lendive : J’ai bien failli rentrer dans l’cul d’la remorque de d’vant quand tout l’monde s’est arrêté ! Et c’est là qu’j’ai vu l’nuage : elles d’vaient être des centaines ! Rien qu’des Mouettes ! Et tout l’nuage a piqué directement sur l’tombereau de sardines, comme les Stukas Allemands sur les routes de France en Mai 1940 !!!

Justin Cassoulet : Là, j’ai vu la tronche de Calvados ! Et y s’marrait pas ! Et du coup, moi non plus!! En fait : personne s’marrait !! J’ai entendu l’Abbé qui gueulait « Sous les bagnoles, Nom de Lui ! Sous les bagnoles Bon de… Saperlipopette !! »… Pis y avait l’bruit aussi : infernal, assourdissant, étourdissant ! Enfin, quand j’dis le « bruit », j’veux dire : LES CRIS !!! J’ai eu que l’temps d’attraper mon Chamelot-Delvigne****, de sauter en bas d’la caisse et de m’foute sous l’châssis à ras des ch’nilles !

Calvados Lendive : Moi aussi j’me suis foutu sous la voiture, mais j’ai gardé la tête dehors pour voir quand même… Et j’ai bien vu qu’les mouettes elles en avaient juste après l’tombereau de sardines ! Alors je suis r’ssorti, et tout l’monde en a fait autant… Sauf le Chef : lui il est resté sous sa voiture, et y gueulait: « Faites les partir ! » et nous on lui a répondu qu’il avait qu’à nous faire voir comment !

Justin Cassoulet : Bon, on a vite compris qu’ces sales bêtes s’en prendraient pas directement à nous… Du coup, oui : tout l’monde est ressorti ! Sauf le Chef…
Calvados Lendive : J’viens deul dire ! Alors, si c’est pour répéter tous s’que j’dis : c’est pô la peine, hein !
Justin Cassoulet : *chuchotis* Et ta sœur : elle habite toujours Honfleur ?… Bon, on contemplait donc le pathétique spectacle de ces saletés d’volatiles qui faisaient des »piqués-saisies » sur l’tombereau de sardines, *chuchotis* ben oui, mais si ces cons là nous avaient dit d’mettre une bâche aussi, hein… quand on vu passer l’Boussolier dans l’autre sens et qui courait toujours aussi vite, et toujours en t’nant son Adrian à deux mains mais, cette fois, y avait une mouette qui s’était agrippée d’sus et qui tapait du bec que ça f’sait : « Bong ! Bong ! Bong ! Bong ! »…

Calvados Lendive : Oui, ça nous a bien fait rigoler ça, d’ailleurs !
Justin Cassoulet : Oui, mais pas lui, le pauvre…
Calvados Lendive : N’empêche, le Chef y couinait toujours, et c’est là qu’il aurait pas du, passkeu ça a énervé l’Abbé…
Justin Cassoulet : Ben oui, mais : cris des mouettes + cris du Chef… Faut l’comprendre aussi, hein…
Calvados Lendive : Alors, il a passé une main entre les ch’nilles et il a tiré l’Chef dehors, il l’a mit sur ses pieds, il a attrapé deux caxes, en a mit un sur chacune des têtes, et il a poussé l’Chef à coups de pied au cul jusqu’au tombereau ! Et l’Chef y f’sait « Pchhhh ! Pchhhh ! » pour faire partir les mouettes ! J’en rigole encore…

Justin Cassoulet : Oui, juste au moment où l’Boussolier r’passait, mais cette fois dans l’ote sens et de l’ote côté des bagnoles, toujours avec une mouette accrochée à son Adrian (par contre chaipô si c’était la même) et que ça f’sait toujours « Bong ! Bong ! Bong ! Bong ! », et y courait toujours aussi vite !

Calvados Lendive : Et à s’moment là tout a changé : les mouettes ont crié moins fort, et on a entendu comme une énorme averse de grêle sur des tôles ! Ça a duré un moment, puis toutes les mouettes se sont envolées d’un coup ! Et l’Chef a dit « Haaaa… J’leur ai fait peur ! »… Nous on a rigolé…

Justin Cassoulet : Oui, et c’était juste au moment où l’Cuistot commençait à faire tournoyer sa plus grosse louche.

Calvados Lendive : Alors, on s’est approchés du tombereau…
Justin Cassoulet : Et il était plus vide que l’désert de Gobi…
Calvados Lendive : Il était tout martelé ! A l’intérieur, y avait même plus d’peinture, et pourtant elle était solide ! Et y restait même pas une écaille de sardine non plus : rien ! En r’gardant d’plus près : y avait même des trous dans la tôle !
Justin Cassoulet : Et les pneus, ben c’étaient heuu… Un peu comme des roulés de réglisse qu’auraient fondus au soleil… Mais avec plein d’trous d’dans, en plus !
Calvados Lendive : Oui, ça aussi elles avaient essayé d’les bouffer…
Justin Cassoulet : Sûrement à cause de l’odeur, vu qu’elles ont pas touché aux autres bagnoles…
Calvados Lendive : Bref, le tombereau : il était mort !

Justin Cassoulet : Là, l’Boussolier est arrivé tout essoufflé, et il avait plus d’mouette sur son caxe !
Calvados Lendive : Et pis : pas une égratignure le caxe, hein ! Un peu fier qu’il était l’Boussolier !
Justin Cassoulet : Ha bah nan, tu penses : c’est du costaud l’matos de Grand Papy…
Calvados Lendive : Et alors, l’Chef est arrivé tout fiérot : « Z’avez vu comment on fait ? » qu’il a demandé ? Et l’Abbé lui a collé une mandale derrière la tête !
Calvados Lendive : Nous, on a tous rigolé, et l’Chef nous a regardé avec l’air de vouloir dire des gros mots, mais quand on a l’Abbé à moins de 2m50 derrière soi : on évite…
Justin Cassoulet : Ouais, et même à 5m18, hein… Donc, du coup, on a contemplé steu pove remorque et on en est tous arrivés à la même conclusion : y avait plus RIEN à en tirer !
Calvados Lendive : Bah nan, elle était morte de chez morte : pleine de p’tits trous et plus une miette de peinture…. Pis sans les pneus, en plus, hein…
Justin Cassoulet : Ha si, ya Amédée qu’a dit : « Ha bah, ça pourrait faire une passoire géante pour les soirées spaghettis »… Mais, vu l’regard général, il a pas insisté…
Calvados Lendive : Nan décidément, on a pris la bonne décision : on a récupéré les deux roues, et on a demandé au Ferrailleur du coin de v’nir la chercher.
Justin Cassoulet : Un gars sympa d’ailleurs… Un gars du pays qu’est venu avec son Tichat, Firmin Danla qui s’appelle le Tichat, le Ferrailleur lui, c’est Émile Franc.
Calvados Lendive : Oui, en plus il a pas eu b’soin de s’embêter, vu que tout est à note taille, il a pris l’tombereau sous l’bras, il l’a jeté dans la benne, et hop !
Justin Cassoulet : Bien sur, on leur a payé l’coup, hein, normal…
Calvados Lendive : N’empêche, c’est là qu’on a vu qu’on avait une drôle de chance, passkeu Firmin il nous r’gardait avec plein d’envie dans les yeux…
Justin Cassoulet : Oui, mais on doit l’revoir. Pis on va communiquer par radio et pis s’écrire aussi. Pask c’est un sacré Carrossier, comme on n’en voit pas tous les jours !
Calvados Lendive : Ha bah oui, vous avez discuté un sacré bout d’temps… J’ai vu aussi, à un moment, qu’il rigolait en regardant l’Chef…
Justin Cassoulet : Habahoué, tu penses… Pis y connaît drôlement son affaire ! Mais là, même si on avait voulu l’emmener, c’est lui qui pouvait pas venir pask il a un « sacré truc » en chantier qu’il m’a dit…
Calvados Lendive : Bah, si ça se trouve, on pourra lui donner un coup de patte…
Justin Cassoulet : Bah, on va voir ça t’inquéte pas. Mais j’pense que lui aussi pourra nous être vachement utile à la Tasa*. Et puis, en plus, c’est drôlement chic de sa part de nous avoir donné sa r’morque-treuil ! Non seulement ça va sûrement nous servir, mais en plus, c’est un peu comme s’il participait à l’Expédition ! D’ailleurs faudra qu’on l’cite dans les »Remerciements Aux Amis et Sponsors »…
Calvados Lendive : Habahoué, ça c’est non seulement normal, mais c’est une fichue bonne idée ! Bon, dis, j’veux pô avoir l’air de t’presser, mais faut qu’on r’démarre, là : tout l’monde nous attend !
Justin Cassoulet : En plus, y a aussi son frangin qu’est Mécano, alors… Ha oui, merde ! Ha, pis dis donc : on diraity pas que le ciel se couvre ?
Calvados Lendive : Oui… Mais on peut rouler encore un peu : on va bien finir par trouver un abris… Et puis faut trouver du jus pour les batteries, aussi.
Justin Cassoulet : Oui, et pis les prises de courant, dans l’coin…
Calvados Lendive : On va s’démerder. Hop en selle !
Justin Cassoulet : Heuu… « En voiture » plutôt, nan ? On n’a pas d’vélos…
L’Abbé : Dites, j’veux pas vous affoler mes enfants, mais ça s’couvre et drôlement !
Philistère : Hé les vieux copains : j’ai r’péré un abris là-bas à droite, un Dolmen qui zappellent ça ici !
Calvados Lendive : Tu préfères pas la grange, juste derrière ?
Philistère : Ha bah, on peut aussi, oui !
L’Abbé : On s’en fout on verra sur place !!! Allons-y avant d’en prendre plein la mouille ! EN AVANT ! EN AVANT !!!
(Pétarade et bruits de chenilles)
Calvados Lendive: Ah bah, c’est pas loin : dans 10 minutes on y est !
Et, 10 minutes plus tard, ils étaient à l’abri…
(Éclair et bruit du tonnerre)
*https://www.youtube.com/watch?v=72pwGrgC0sw&ab_channel=PatrickBouchitey-Topic
**https://www.youtube.com/watch?v=zmodHEOD2tE&ab_channel=Nightcore%26Co
*** Adrian : Le casque Adrian M1915 et M1926, est le Casque Militaire équipant les Troupes Françaises de 1915 jusqu’à la fin de la 2nde Guerre Mondiale. Il équipera cependant encore, les Forces de Police jusqu’au milieu des années 50 et reste, à ce jour et dans sa version chromée, le casque de parade des Sapeurs-pompiers.

**** Chamelot-Delvigne : Le Revolver Réglementaire Modèle 1873 »Chamelot-Delvigne » -dit aussi »Saint-Étienne 1873 »- fut la première arme de poing moderne de l’Armée Française. D’une rare esthétique et d’un fonctionnement mécanique irréprochable, fonctionnant en Simple ET Double action, il était d’une fiabilité et d’une robustesse telles qu’il continua d’être fabriqué -en dépit de l’arrivée de son »successeur », le »Saint-Étienne 1892 »- et de rester en service jusqu’à la fin de la 2nde Guerre Mondiale. Le seul reproche que l’on puisse faire à ce joyau de l’Armurerie Française, malgré son calibre de 11 mm, est une faiblesse de vélocité par rapport son »cousin » Américain, le Colt SAA 1873 dit »Peacemaker » -que tout le monde connait à travers les ouesseternes-, chambré en 45 Colt (11,43) mais qui lui, cependant, ne fonctionnait qu’en Simple Action.
